En lançant Trouble Every Day, je ne savais pas tellement à quoi m’attendre. Je ne connaissais Claire Denis que de réputation et j’étais bien curieux de voir la manière dont elle allait s’emparer du cinéma de genre avec ce projet qui trottait dans sa tête depuis de nombreuses années. Embrasser simplement ses codes ? Les détourner habilement ? Que nenni !


Le film marque dès les premières minutes avec le regard hypnotisant d’une Béatrice Dalle arborant un long manteau qu’elle n’hésite pas à ouvrir pour arpenter les routiers. Toute la folie et l’excès de désir se lisent facilement sur son visage. Et ça se confirme une scène plus tard en la voyant recroquevillée sur elle-même la bouche en sang : meilleur passage du film.


Une fois passées les scènes d’exposition, la surprise s’étiole et les trajectoires des personnages apparaissent comme excessivement prévisibles. Pire, à vouloir trop s’ancrer dans des explications scientifiques fumeuses, sa portée horrifique s’émousse en même temps que sa crédibilité. La passion ardente, cet appel de la chair presque mystique, laisse place à une « simple » maladie poussant au cannibalisme. Et c’est sur cette base bancale que repose toute l’histoire. Un chercheur retient sa compagne (Dalle) malade dans sa maison. Un couple américain se rend à Paris en Lune de miel ; le nouveau marié, malade lui aussi, recherche le scientifique pour l’aider.


Claire Denis excelle lorsqu’elle reste dans la suggestion en nous immergeant dans le point de vue de ces néo-vampires citadins. Ces corps qu’on toise, caresse, palpe, mordille, embrasse... Mais dès qu’elle que sa caméra croise le regard de ces âmes perdues, il est impossible de ne pas sourire devant leurs surjeux grotesques. Regards appuyés, yeux écarquillés, bouche semi-ouverte, sourire carnassier, ces faciès outranciers sont non seulement ridicules, mais encore une fois, leur contraste avec leur entourage ne voyant rien venir est tellement marqué qu'il est difficile de ne pas sortir du film. À l’image d’une scène dans un métro bondé dans laquelle le marié hume une inconnue à quelques centimètres de sa nuque. Passage qui m’a un peu rappelé celui de Shame dans lequel Fassbender parvenait à délivrer beaucoup plus d’intensité avec beaucoup plus de sobriété.


Mais il faut tout de même reconnaître que la réalisatrice est allée jusqu’au bout de l'exploration de son idée en mettant en scène des actes de cannibalisme flirtant subtilement entre du gore et de l’érotisme ; ceux de Dalles faisant évidemment sourire lorsqu’on repense à son interview sur le divan de Fogiel. Dommage que ces superbes fulgurances macabres soient noyées dans une construction narrative en dent-de-scie...

GigaHeartz
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Festival du cinéma français contemporain n°1 (JVcom)

Créée

le 1 sept. 2016

Critique lue 880 fois

5 j'aime

GigaHeartz

Écrit par

Critique lue 880 fois

5

D'autres avis sur Trouble Every Day

Trouble Every Day
Truman-
4

Critique de Trouble Every Day par Truman-

Trouble Every Day ou comment offrir une idée sympa, oser l'aborder de façon différente et assez original mais ne jamais savoir maitriser la chose . Dès le début j'ai sentis que ça n'allais pas passer...

le 24 oct. 2013

14 j'aime

3

Trouble Every Day
Alligator
5

Critique de Trouble Every Day par Alligator

juil 2010; Après l'échec monumental que me valut la découverte de "L'intrus", mon premier Claire Denis, je réitère une tentative pour faire plaisir à ma femme, grande fanatique de la cinéaste. Et...

le 13 avr. 2013

14 j'aime

Trouble Every Day
takeshi29
9

Dieu est une vampire

Parce que Béatrice Dalle rouge-sang, des images quasi-christiques soulignées par la voix d'outre-tombe de Stuart A. Staples... La BO fascinante d'un film qui l'est tout autant :...

le 31 mai 2012

14 j'aime

6

Du même critique

Marseille
GigaHeartz
5

Marseille, Marseille, on t'....a regardé ! (S01 achevée)

À peine sortie et déjà enterrée par la critique, Marseille a déjà fait couler beaucoup d'encre. "Navet", "nanar", "accident industriel", "bouse", "naufrage",... toutes les joyeusetés ont été de...

le 5 mai 2016

26 j'aime

5

S.O.S. Fantômes
GigaHeartz
3

La Méthode Coué

2016, année blafarde du côté des grosses productions pop-corn. 2016, année riche en tentatives pitoyables de damage control. Entre les dénonciations de complots journalo-maçonniques, les insultes et...

le 5 août 2016

25 j'aime

7

Dernier train pour Busan
GigaHeartz
4

"Vous vous trouvez dans le train en direction de Busan, nous vous souhaitons une agréable survie"

Ben voilà ? Enfin ? Est-ce qu'on va pouvoir dire que les Coréens ont mis Hollywood en Position Latérale de Sécurité ? Presque. Le film est plutôt bon, mais il y a toute même quelques parts d'ombre au...

le 18 août 2016

21 j'aime

5