Bien sûr Marilyn était superbe, bien sûr elle restera l’éternel fantasme féminin mais avec Troublez-Moi Ce Soir, Roy Ward Baker met en scène une Marilyn bouleversante de justesse à inscrire enfin au Panthéon des très grandes actrices. Mais tout de même, quand on connaît les fêlures de l’actrice, on ne peut s’empêcher d’être touché par ce personnage qui lui ressemble tant et auquel elle donne un indéniable supplément d’âme.

Nell est une jeune fille perdue à qui son oncle propose de garder une fillette d’une dizaine d’année dans l’hôtel où il travaille, le temps que les parents passent une soirée dans le restaurant du rez-de-chaussée. Nell est fragile, instable et soumise à ses émotions, elle va rapidement coucher la fillette et inviter à la rejoindre un inconnu qui lui rappelle Phillip, son amour disparu dans un crash au milieu du Pacifique. Plus le temps passera, plus Nell deviendra inquiétante et dangereuse pour la fillette et pour elle-même. L’homme avec lequel elle flirte, d’abord décontenancé par cette femme-enfant si triste, tentera de la comprendre et, à défaut de lui donner de l’amour, finira par lui confier son affection et sa tendresse.

Troublez-Moi Ce Soir est presque un huis-clos qui sort rarement de la chambre d’hôtel où Nell fait son baby-sitting. La sensation oppressante qui émane de sa personnalité n’en est que plus importante et promet des moments presque effrayants tant le regard de Marilyn parvient, par moments, à être celui d’une quasi tueuse en série. Marilyn est incroyable dans ce film, elle joue à merveille cette jeune fille sur le fil du rasoir (au sens propre parfois), instable et capable des pires dérapages incontrôlés, elle est en fait tout à fait inapte à être baby-sitter et représente même un danger pour la fillette. On voit cette enfant ce pencher à la fenêtre du huitième pour voir les gens, Marilyn pose une main sur son dos et lance dans le vide un regard qui glace les sangs les plus chauds, un regard qui nous convainc qu’elle va pousser l’enfant par la fenêtre. Ici, sa beauté devient un atout étonnant en créant un contraste saisissant entre une femme si belle au-dehors et si défigurée au-dedans.

Face à elle, Richard Widmark promène sa silhouette si particulière, cette classe qui n’appartient qu’à lui, mélange de distinction et d’air des plus canailles. Il n’était pas le plus beau mais a été probablement un des acteurs les plus « racés », de ces hommes si séduisants parce-que si imparfaits. Lui aussi est perdu, égaré entre une Nell qui veut de lui sans le connaître et une Lyn qui ne veut plus de lui parce-qu’elle le connaît trop bien, du moins le croit-elle. Car Jed va faire du chemin grâce à Nell et à ses névroses, elle va lui permettre de s’ouvrir aux autres et de quitter cette armure de dureté qui en fait un être
associable.

Ce film donne des regrets, celui d’une Marilyn qu’on découvre grande actrice (on s’en doutait un peu) et qui n’a eu une carrière presque fondée que sur sa beauté. Une Marilyn dont personne n’a compris que ne la mettre à l’affiche que pour ce corps sublime revenait à la pousser vers un précipice inexorable. C’est une maigre consolation que de se dire qu’avec un peu de lucidité, les producteurs auraient pu reconnaître l’immense actrice qui l’habitait et lui auraient un peu ôté de cette solitude qui lui pesait tant. Ne restent pour noyer la déception que quelques regrets et encore moins de films, déçus que nous sommes que Marilyn ne puisse plus venir nous troubler…
Jambalaya
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le 4 mai 2013

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Jambalaya

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