Avec No country for old men, Joel et Ethan Coen avaient déjà effleuré les abîmes du Western et cette aventure sanglante ne les avait donc pas rassasiés. Déjà adaptée au cinéma, les frères Coen décident de s'attaquer à l'oeuvre littéraire True Grit qui voit vers la fin du 19ème siècle dans l'Ouest américain, une jeune fille payer un Marshall boderline et imbibé d'alcool pour retrouver le meurtrier de son père. S'aventurer dans un genre cinématographique avec ses propres codes et ses propres langages n'est pas jamais chose facile mais à en voir True Grit, le style si particulier des deux frères ne connait pas de frontières. C'est donc avec le plus grand des plaisirs, qu'on les voit une nouvelle fois faire équipe avec Rogers Deakins qui magnifie, comme souvent, l'image des films dont il s'occupe. Visuellement, ce western mélange scènes de nuits et scènes de jours avec une grâce incommensurable domptant les déambulations de la lumière et occupant l'espace de ses déserts avec talent. Bien évidemment, avec les frères Coen, il n'y a pas tromperie sur la marchandise, on retrouve ces personnages naviguant entre drôlerie loufoque et bizarrerie noire avec ces dialogues ciselés et hauts perchés tels la pointe d'un canif. Cette histoire de vengeance n'est pas dénuée d'une ironie du sort narguant presque la mort, notamment à travers Labeouf ou de ce personnage de Marshall très bien écrit et jamais manichéen, joué par l'excellent Jeff Bridges.

Le style Coen fait mouche mais trouve ses limites à travers l'académisme de sa forme qui n'arrive pas à transcender le fond. La plus grande qualité de ce True Grit reste donc son principal défaut. A vouloir maîtriser son sujet sur le bout des doigts, les frères Coen en oublient presque de prendre des risques, de déborder le cahier des charges qu'ils se sont presque imposés, ce qui déteint notamment sur le rythme du film un petit peu trop sclérosé, surtout dans sa première partie. Parfois trop bavard et s’installant petit à petit dans un confort pas des plus stimulants, True Grit manque de tension narrative. On ne sent pas ce souffle épique des chevaux galopant avec fracas excepté à la fin du film, on ne sent pas le sable désertique nous brûler le visage, on ne ressent pas non plus cette violence et ce suspense qui nous éclaboussaient tant dans No country for old men. True Grit un western à la beauté crépusculaire incroyable mais qui manquent trop d’âme et de surprise pour nous transporter de façon intemporelle dans les contrées arides de l'Ouest malgré la beauté émotionnelle de ses dernières minutes. Gentil et presque anecdotique,True Grit s'apparente à un film de commande ayant pour simple but de rendre hommage à un genre cinématographique un peu en fin de vie, sans avoir l'ambition d'en renouveler les codes.
Velvetman
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le 25 févr. 2014

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Velvetman

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