Les westerns, constamment déclarés en état de mort clinique, resurgissent de temps à autre sous la patte d'un créateur qui tente d'y imprimer un ton original.
Dans "True Grit", il ne faut pas compter sur le scénario pour y parvenir. Quoi de plus rebattu que cette histoire de vengeance contre un vilain qui a tué un honnête homme ? On nous la sort à toutes les sauces, dans tous les genres, sur tous les tons.
Ethan et Joel Cohen se sont-ils rattrapés sur les personnages ? Jeff Bridges envahit l'écran en flingueur borgne vieilli par l'alcool (si on compte d'après les dates données en fin de film, il aurait de peu dépassé la cinquantaine au moment de l'action principale, alors qu'il fait bien vingt ans de plus, à vue de nez). Le film est un peu son numéro, qui vaut le coup. Ceci dit, on se demande comment il a pu vivre 25 ans de plus, dans l'état de semi-épave où on le voit ici.
Matt Damon, à peine caricaturé dans son rôle de Texas Ranger chatouilleux sur l'amour-propre du corps auquel il s'honore d'appartenir, forme un duo aigre-doux avec Bridges, qui fonctionne surtout parce qu'il y a souvent des séparations.
Hailee Steinfeld est délectable en ado audacieuse, courageuse, obsédée par son bon droit, et assez gonflante dans l'ensemble, pour ne pas dire un peu chieuse.
J'aime bien le contraste des décors et des us et coutumes à 25 ans d'intervalle: on passe des villages de planches mal ajustées à de belles demeures bâties en dur avec des effets décoratifs. Succession de beaux paysages variés, censés être situés entre Arkansas et Texas. Belle scène de procès communautaire sans l'apparat ridicule des tribunaux plus récents.
Jolis dialogues. Hailee clame sa foi en la justice des hommes avec une naïveté si poussée qu'elle désarçonne. Entourée de deux hommes dans cette équipée, enlevée par quatre bandits, sa vertu n'est pour ainsi dire pas menacée une seconde. L'enjeu est donc ailleurs; peut-être dans la mélancolie un peu nihiliste de la fin: tout s'efface devant la marche du temps, les personnes comme les sentiments qu'on leur portait. L'épopée des justiciers indignés s'achève dans la disparition et l'oubli, après quelques beaux témoignages de loyauté, de reconnaissance et d'action. Et les pères de substitution ne sont plus là, eux non plus.
Les cadres traditionnels du western ont donc largement imposé leurs codes à ce film. Un peu plus d'irrespect vis-à-vis d'un genre vénérable n'aurait pas paru inopportun.
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