Quelques accords mélancoliques de guitare, résonnances sincères et ardentes, servent de Requiem à la fin tragique de Julian. Assonance de la musique sur le récit, au diapason d’une émotion brutale, celle d’une vie à son seuil, dont les derniers accords se doivent d’être étincelants. Il faut remonter à « Brokeback Mountain » pour retrouver pareille harmonie.


Et cet état de grâce, ne tient pas qu’à cette seule partition. « Truman » est un film qui cultive la justesse. Justesse de ton, dans l’approche des nombreuses thématiques, mais aussi de jeu et de mise en scène.


Julián, en rechute d’un cancer décide d’abandonner toute thérapie. Il a vécu, lutté, vitupéré, il se sait condamné. C’est à ce moment précis qu’arrive du Canada son plus ancien ami, Tomás. Venue tardive, motivée par l’issue fatale proche, les scrupules et la pression des proches. Mais quand bien même, ils se retrouvent ! Julián caustique et lucide à souhait, Tomás plus en retrait bien décidé tout de même à faire changer d’avis l’ami. A leurs côtés, Truman, le chien de Julián, qui fait le lien entre les humains, il est symbolique à bien des égards (d’où le titre).


S’il aborde le thème du droit à la mort, structurellement Cesc Gay n’en fait pas pour autant le sujet unique du film. Avec son co-scénariste Tomàs Aragay, il extrapole en quelques scènes les raisons qui ont conduites Julián à sa décision. C’est une sorte d’introspection du personnage qui se dévoile délicatement de scènes en scènes. Une dernière interrogation à la vie, est-ce le bon moment ? Famille (le fils notamment), les proches (les amis absents même quand ils sont présents), la reconnaissance (carrière théâtrale, notoriété…) tout y passe. Mais Julián n’est jamais amer, tout au plus lucide et tient jusqu’à la fin à affirmer ce qu’il est. Tirer sa révérence oui mais avec panache !


L’amitié est très prégnante dans ce film et l’amour plus encore. Et si Julián et Tomás n’ont jamais eu un rapport homosexué, la complicité qui les unit, même si elle s’est un peu étiolée, est intemporelle, forte et loyale. Ils s’aiment. Et c’est bien pour cela que Tomás essaie de convaincre si mollement son ami à reprendre le traitement. Il le connaît trop, mieux encore le respecte trop pour contrarier son dessein ! Et surtout il est submergé par la douleur faite d’un peu de remords (son absence) et de regrets (il ne le verra plus). Comme cela a du être difficile pour l’Académie des Goya de départager Ricardo Darrin et Javier Cámara au titre du meilleur acteur et quelle injustice pour le dernier de se voir « classer » second rôle. Tous deux sont grandioses, indissociables et surtout magnifiques ! Ils n’apportent pas seulement chair et conviction à leurs personnages ils reflètent leurs âmes.


Ils sont la clé de voute de « Truman » derrière lequel Cesc Gay s’efface presque avec une mise en scène très sobre, mais extrêmement minutieuse. Le ton général qu’il donne à son film, entre sourire et larmes, est tout en retenue. Là où il aurait pu flirter avec le morbide, l’indécence, voire la lacrymale comédie, il touche simplement le cœur de la vie et celui des hommes.


Extrait de la bande originale :
https://www.youtube.com/watch?v=ut7-ErP5CTQ&index=2&list=PLeArCzMtZWkQdEQ0o6ChsLeZC0dnadO4r


Et bonus ! La chanson de Véronique Sanson si proche du sujet du film :
https://www.youtube.com/watch?v=wmJTY_eUplQ

Fritz_Langueur
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le 16 juil. 2016

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