Tu ne tueras point, c’est un peu comme faire un burger avec un morceau de bœuf Wagyu pris dans un bun discount en manque de fraicheur.
Autant insister directement sur le gros point positif du film. L’assaut d’Hacksaw Ridge par les américains est probablement la scène de guerre la plus hallucinante qu’il m’ait été donné de voir. La montée au front, la tension qui précède le combat, la découverte des corps laissés là par le précédent assaut, le déclenchement des hostilités puis l’horreur du conflit : tout est quasiment parfait. L’ambiance est assourdissante, extrêmement pesante. On sent l’humain parfaitement vulnérable. Les balles et les obus transpercent la chair, allant au-delà de la simple effusion d’hémoglobine dont les films du genre nous donnent l’habitude. Démembrements, blessures, crasse, cris… On s’y croirait presque.
Au milieu de cet assaut, Desmond Doss court de soldat en soldat, afin de ramener les blessés au point de départ pour les faire soigner. Rien d’original jusque-là, sauf que Desmond, guidé par ses croyances religieuses, refuse de porter une arme. Cet aspect scénaristique permet de proposer un discours très chrétien (ce qui ne surprendra pas venant de M. Gibson), mais renforce surtout le sentiment d’impuissance du personnage et, partant, du spectateur, sachant très bien que la moindre erreur sera immédiatement fatale. Sur cette heure de film, la réalisation est inspirée, le film prend littéralement aux tripes, et offre une expérience réellement singulière.
Mais… mais… le reste du propos du film est malheureusement d’une banalité assez affligeante. Pendant toute la première partie, Desmond décide de s’engager, refuse de porter une arme, fait son entrainement malgré la méfiance et le rejet de ses supérieurs et camarades. Cette heure de film propose tous les clichés possibles sur ce genre de film. Beaucoup de couleur, de bonne humeur, une love story assez ringarde. Puis dans la partie entrainement, plutôt desservie par des acteurs au jeu assez médiocre, un sentiment de voir un Full Metal Jacket du pauvre. Le discours moralisateur ne prend pas, c’est long, niais, insipide. Au moins, une fois passée la première heure à se demander si tout le film va être du même acabit, l’assaut d’Hacksaw Ridge nous saute à la gueule à la manière d’un obus.
La dernière scène aussi, décrédibilise les faits en voulant insister sur la symbolique.
La guerre perd toute son horreur puisque Desmond est là est a prié pour ses soldats. Que ces derniers gagnent en motivation, soit. Mais pourquoi les japonais deviendraient-ils subitement des cibles apeurées alors qu’ils étaient jusqu’alors de redoutables ennemis ? Je n’ai rien contre l’utilisation de la religion au cinéma, bien au contraire. Mais quand on fait un film tiré de faits réels, il ne faut peut-être pas trop en abuser.
Le sentiment au sortir de la salle est mitigé. L’impression d’avoir vu une immense scène de guerre, mais pas forcément d’avoir vu un grand film. Mel Gibson montre ses talents indéniables à la réalisation, mais s’embourbe dans des travers contre-productifs. C’est dommage, mais il n’empêche que rien que pour ses côtés positifs, le film vaut clairement le coup d’œil.