Le vin de Gilles Legrand est doté du tanin Niels Arestrup. Vendange en huis-clos. Ambiance...

D'une patte légère toute en fermentation, Gilles Legrand, tire de sa troisième réalisation non pas un tire-bouchon, mais un vin qui a pris le temps de se vinifier avec bonheur et simplicité. Ce vin, grand cru en devenir, se caractérise par son atmosphère délétère qui prend le parfum d'une vieille vigne fané comme un vigneron se casse les dents sur un cépage en peau de chagrin. Gilles Legrand pose son troisième film tel un artisan fait coulisser ses bouteilles dans les secrets de son château. Après avoir scénarisé "Ridicule" (avec Rochefort qui se livre ce soir dans "Un jour, un destin") et "La veuve de St Pierre" (dans lequel on retrouve l’éclectique Auteuil) parmi d'autres, Gilles se tourne à la réalisation pour former le duo Laroque-Villeret ("Malabar princess"), puis part en pays hostile en compagnie de Laetitia Casta ("La jeune fille et les loups"). S'ensuivra "Tu seras mon fils", troisième tableau de Gilles, tourné dans le bordelais initialement prévu en Bourgogne. Synopsis : le propriétaire d'un vignoble à St Emilion voit dans l'arrivée du fils de son régisseur son successeur. Mais le fils du proprio n'a pas dit son dernier mot... . Dans cette guerre des gangs, filmé sous la forme d'un huis-clos (les champs de vigne servant admirablement de toile de fond), Gilles Legrand, également scénariste, apporte tout son savoir-faire : faux-semblants, humour caustique certainement très noir, ambiance malsaine. Un scénario riche donc, qui coule d'une cuve dont le vin a été enlevé de toute sa matière fermentescible et dont il ne reste plus que l'essence. Pour résumer, un polar âpre dans tous ces détails et dans une ambiance tellement noire et appréciable que nous nous sentons comme à l'intérieur d'une cuve qu'il faut curer et récurer, irrémédiablement. Une atmosphère poisseuse donc, qui colle parfaitement aux terrains privés de ces jeux de dupe et de propriété. Très belle écriture, Gilles ! Cette ambiance se distingue par des jeux de lumières complètement maîtrisés sur fond de vie de vignes, à commencer par le générique de début qui donne le ton. Merci à l'équipe d'Yves Angelo. Il a été directeur de la photo sur "Germinal" (version 1993) et metteur en scène pour "Le colonel Chabert" la même année. Ambiance délétère aussi grâce au jeu d'acteur général, parfait. Niels Arestrup (qui connut la consécration après "Un prophète", et vu tout récemment dans le dernier Tavernier ("Quai d'Orsay") et "96 heures" de Schoendoerffer fils) est viscéralement impeccable dans le rôle du père détestable à souhait. Charismatique, il balaye tout sur son passage ! A ses côtés, Lorànt Deutsch (prouvant ainsi qu'il n'est pas fait pour jouer la comédie (voir le consternant "Ripoux 3") mais bien pour expliquer l'Histoire de France : ses romans "Métronome" et "Hexagone" parlent pour lui !), insipide, le regretté Patrick Chesnais toujours aussi bon en second, et Anne Marivin pétillante à souhait, tout juste après le phénomène-société de "Bienvenue chez les ch'tis". Pour terminer, "Tu seras mon fils" reste une œuvre à part entière dans le paysage cinématographique de 2011. Merci Gilles, Niels, ainsi qu'à toute l'équipe. Santé ! Attention à l'abus d'alcool !

brunodinah
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le 11 mai 2019

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