On notera que l’objectif premier – pour le héros – est le même que celui qui animait Dernier train pour Busan : L’anniversaire d’une petite fille. Et quelque part c’est logique puisque Tunnel est au film catastrophe ce que le film de Yeon Sang-Ho était au film de zombies. C’est donc l’histoire d’un père de famille qui n’a pas trouvé plus simple que de rester trente-cinq jours coincé dans l’effondrement d’un tunnel pour rapporter un chien à sa fille pour son anniversaire.


 Plus sérieusement, quel plaisir de voir film catastrophe aussi réussi, généreux, haletant, riche de par son montage alterné, minimaliste sous les décombres et respectueux d’un genre, souvent sali, pour lequel je suis évidemment très sensible. Quand on a grandi avec L’aventure du Poséidon, La tour infernale, Le pont de Cassandra et dans une moindre mesure avec Twister, Le pic de Dante, Deep Impact ou Volcano, Tunnel c’est une aubaine de film, aussi fidèle qu’orignal, qui nous fera oublier les désillusions 2012, San Andreas et consorts. Surtout qu’il est sud-coréen. Ce qui nous permet aussi d’oublier cette daube qu’était The Last Day.
Alors bien entendu c’est loin d’être parfait, c’est dix fois trop long, déjà, le film accusant sérieusement le coup en son milieu. Sa représentation, pour ne pas dire son acharnement face aux institutions est beaucoup trop appuyée. Et plusieurs incohérences me sortent parfois de sa belle mécanique. Néanmoins ça fait partie du jeu, puisque le film, aussi angoissant qu’il soit, peut aussi être très drôle, à l’image de la séquence de l’urine ou des embardées canines. Pointes comiques qui lui permettent de contrer une vraie noirceur, qu’il ose parfois au détour d’une autre victime irrémédiablement coincée sous un rocher dans sa voiture ou d’un incident terrible qui cause la vie à un sauveteur.
Si d’emblée le choix de suivre cet homme dans ce petit espace clos ainsi qu’une opération de sauvetage d’envergure nationale à ciel ouvert me gêne un peu, car lorsqu’on fait deux films en un il arrive régulièrement qu’on rate les deux, il faut reconnaître que Tunnel s’en tire bien, trouve le bon équilibre, évite le trop plein de micro-saynètes et contourne l’attendu montage saccadé. Il est donc tout aussi passionnant de suivre les mésaventures de ce commercial Kia Motors devant économiser son eau et sa batterie de téléphone que les pérégrinations variées de tout un chacun à l’extérieur (Sa femme, un flic, des investisseurs, les politiciens, les médias…) pour le sauver, profiter de sa situation ou le maudire.
Il en ressort un film très humain, donc, avec des gens bons, dévoués et des parasites hypocrites et/ou intéressés. Des gens qui vont tout donner pour sauver un type enseveli parce que la vie humaine n’est pas quantifiable et d’autres qui vont supplier sa femme de signer l’accord pour continuer la construction du tunnel adjacent dont le chantier en attente coute une blinde quotidienne à la compagnie de construction. Quelque part oui, on finit presque par se sentir mieux dans ce tas de gravats à ses côtés que dehors au sein de ce monde de déglingués. Que l’humanité, l’intime soient davantage le moteur du film que le giga grand spectacle et la grandiloquence le rend d’autant plus fort à mon goût.
Surtout, dans cet espace de survie très limité et très sombre, le film est graphiquement passionnant : ambiance poussiéreuse renforcée par de récurrentes pluies sableuses, gigantesques amas de pierres menaçant de s’ébouler à chaque instant, et ce « passage » (la plus belle idée du film) qui permet au héros de se trouver une brève acolyte et un gentil toutou – comme Tom Hanks trouvait son Wilson dans Seul au monde – en empruntant un tunnel dans le tunnel, dans l’un de ces énormes ventilateurs en ruine. Et dehors c’est pareil : que l’on soit aux abords de la sortie nord ou plus haut dans la montagne, c’est l’immensité que l’auteur vient capter, autant pour contrebalancer avec l’étriquement du tunnel que pour en saisir une douce sensation de vide, que la tempête de neige viendra renforcer.
Et puis sous son aspect divertissant, ce qu’il est, Tunnel est aussi un gros doigt d’honneur aux institutions coréennes et le pouce levé final du héros (qu’on s’accommodera dans les médias pour le traduire en figure héroïque modèle et reconnaissante) n’en reste pas moins précédé d’une insulte de haute volée. Ce n’est pas hyper subtil mais ça fait du bien quand ça sort. Du coup j’ai vraiment hâte de jeter un œil au précédent film de l’auteur, A hard day, dont les échos étaient, dans mon souvenir, plutôt enthousiasmants.
JanosValuska
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le 10 juil. 2018

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JanosValuska

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