Que restera-t-il de sept ans de folie Twilight ? Des objets dérivés ringards qui deviendront peut-être enfin collectors dans vingt ans, des livres qui prendront la poussière en haut des étagères, la dilution du mythe du vampire dans la sacralisation des valeurs de la famille américaine et surtout l'idée qu'un blockbuster pour filles est synonyme de plans sans aucune justification de pectoraux masculins soigneusement épilés vers la dixième minute du film et d'effets spéciaux au rabais (du moment qu'on voit des bêtes à fourrure et des bébés). Mais ceux et surtout qui l'auront vu au cinéma pourront dire comme à Verdun : j'y étais, j'ai lutté contre des hordes d'adolescentes hystériques mais j'ai survécu, grâce à la chance et à la foi inébranlable dans la victoire finale des blockbusters.

Inutile de raconter l'histoire, pour ceux qui ont lu le livre, ils savent déjà qu'il ne se passera pas grand-chose, et ceux qui ne l'ont toujours pas lu, ils n'ont aucune raison d'aller voir ce film de toute façon, l'intrigue ne leur paraîtra que plus aberrante.

La première partie ressemble à s'y méprendre à une publicité pour Center Parcs, musique sirupeuse et petite maison dans les bois relookée par M6 Déco, soirées passées autour de la cheminée ou à faire des feux de camp avec ses amis pour se raconter les dernières guerres. L'enfant, car c'est une histoire pour filles donc un happy end sans maternité, n'est pas un véritable happy end, est modélisé en 3D et il encore plus laid que Benjamin Button jeune mais il a quand même arraché à la foule des "oh elle est trop choupi". Je comprends désormais comment les publicités de la TNT "Envoie cinq SMS surtaxés au 81500 pour savoir à quel âge tu auras un bébé" arrivent à être rentables. Heureusement, quelques placements produits habiles de voitures Volvo qui ne feraient pas rougir James Bond, montrent en quoi c'est vraiment trop la classe d'être un vampire, par rapport à ces loqueteux de loups-garous, qui ne sont que des bikers hippies solitaires sans le sou. Normal ce sont des Indiens alcooliques qui ne vivent que grâce aux aides généreuses de l'Etat et à leur habilité à pêcher la truite fardée, arc-en-ciel ou cendrée, le film est très précis là-dessus. La morale et la politique ne sont jamais très loin dans Twilight.

Vendu comme un film d'action (enfin il va se passer quelque chose, ils vont arrêter de de se bourrer le mou dans leur forêt de séquoias), le film arrive à placer des combats par un artifice scénaristique qui a arraché des cris d'effroi aux fans ("Mais pourquoi ils ont tué X et Y? C'est pas dans le livre", "Mais c'est trop triste", "Vas-y venge-toi", "Tu trouves pas qu'elle est mieux coiffée que Kristen Stewart?"). L'affrontement final, entre cinquante personnages, présentés à la va-vite en quelques plans exotiques et factices pour montrer d'où ils proviennent, se déroule dans une plaine verglacée immense qui renforce le côté dérisoire de l'ensemble. Comme c'est un film à destination d'un public jeune et féminin, pas de sang, des combats à base de pirouettes qui feraient honte aux ninjas les plus entraînés, des têtes de vampires qui se font arracher comme des bouchons de champagne, certains tombent même dans une faille pleine de lave tel Gollum et son précieux (j'ignorais qu'il y avait une activité volcanique aussi forte dans la région montagneuse de Washington, je comprends mieux 2012 d'Emmerich maintenant). Les méchants, toujours aussi ridicules ("comment c'est trop un mongol", résuma ma voisine de derrière en parlant du chef vampire) pèchent surtout par leur style vestimentaire, car la psychologie et les personnages de Twilight ont toujours été fortement antinomiques : la capuche ne fait pas le moine vampire, et le film perd la dernière once de crédibilité qui lui restait en pensant que des Italiens puissent se saper aussi mal.

Dans un ultime râle, le film se conclut là où tout a commencé : les pages des livres (on sent que l'auteur-productrice essaye de glaner quelques royalties supplémentaires, une de mes voisines réalisa soudain "en attrapant la tehon" qu'elle ne les avait toujours pas lus) où quelques blagues traînent pour remercier le spectateur attentif d'être allé jusqu'au bout de ces dix heures cumulées de films : au détour d'une page apparaît ainsi surligné "Taylor Lautner shot commercials for hairgel", La valeur de l'argent n'attend pas le nombre des années, et comme disait mon professeur de Finance, l'argent présent vaut toujours plus que l'argent futur, surtout quand il aura perdu son statut d'idole des jeunes et se reconvertira dans la gestion d'une chaîne de salles de sport dans le Michigan.

Robert, on a bien rigolé ensemble, mais tout est fini entre nous, reprends tes affaires et ta Volvo, retourne dans les pages people avec Kristen, je te mets une bonne note parce que tu as eu l'excellente idée de ne pas être en 3D mais n'y reviens pas.
Socinien

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