Je dois avouer que je connais mal la filmographie de James Gray. Un réalisateur très talentueux dont j'ai eu un aperçu du génie avec cette petite perle. Two Lovers fait parti de ces films qui cachent sous une apparence tout à fait classique d'incroyables qualités et qui arrivent à traiter un sujet éculé de façon intelligente et plutôt original.

Le synopsis est en effet tout ce qu'il y a de plus classique, un synopsis sûrement repris des milliers de fois par nos amis allemands et leurs téléfilms du dimanche. C'est donc avec quelques appréhensions que j'ai lancé le film ... mais dès l'ouverture, mes doutes se sont envolés. Ce ne serait pas un banal triangle amoureux niais et pleins de bons sentiments. Non, Two Lovers va bien au delà de ce pitch et offre un vrai drame où la psychologie des personnages est remarquablement travaillé, à commencer par le personnage torturé que l'on suit exclusivement pendant tout le film.
Léonard, ledit personnage, est un homme a priori tout à fait normal. Sympathique, drôle et attentionné, il a tout du héros romantique courtisé par la gent féminine (et c'est ce que laisse craindre l'affiche du film). Pourtant au delà des apparences, il a vécu une expérience profondément traumatisante, dont il porte encore les séquelles aujourd'hui, tant physiques qu'émotionnelles. C'est ce passé, marque indélébile, qui donne toute sa profondeur et sa fragilité au personnage, et qui fait complètement sortir Two Lovers de la simple histoire d'amour un peu compliqué. Gray a su exploiter cette fragilité dans des scènes d'une grande beauté, pour faire ressortir toute la souffrance et le mal être d'un homme incompris, coincé dans une vie ennuyante et monotone.

C'est dans ce contexte douloureux que viendront faire irruption deux femmes, radicalement opposé. L'une est brune et représente la stabilité, sa famille, sa culture. L'autre est blonde et représente un nouveau départ, une nouvelle vie, une expérience qui tranche avec son quotidien et ses racines. Pourtant on constate bien vite que Léonard a choisi dès le début, et que c'est finalement un faux choix, dont le résultat lui sera imposé. Là encore, Gray brille par la densité psychologique qu'il apporte à chacun des protagonistes, qui chacun baigne dans leurs problèmes et leurs interrogations, notamment quant à la relation qu'ils entretiennent avec Léonard.
Mais encore fallait-t-il que ce travail sur les personnages trouvent écho dans des acteurs suffisamment talentueux. Je savais Joaquin Phoenix doué, mais j'ai vraiment été très impressionné par sa prestation dans Two Lovers. C'est probablement le principal attrait du film, et c'est lui qui donne tant de poigne et de force au propos. Phoenix habite littéralement le personnage de Léonard et livre ici une interprétation saisissante qui aurait dû lui valoir plus d'une récompense. Toujours avec une extraordinaire justesse, Phoenix parvient à faire ressentir au spectateur la grande fragilité, l'instabilité chronique et la détresse de Léonard, mais aussi sa joie ou ses espoirs le plus souvent nourris de fantasmes. Porté par une interprétation magistrale qui mériterait tout les superlatifs, on ne peut qu'être touché au plus profond de soi par cet homme au destin cruel.

Bien plus qu'une simple histoire d'amour, Two Lovers est un film à voir, pour son personnage principal terriblement attachant, sa photographie irréprochable ou la mise en scène pleine de tension qui émaille un film que l'on pourrait presque qualifier de drame romantique.
Jadenor
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le 1 avr. 2012

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Jadenor

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