Ceci est et n'est pas une romance ou l'art de la dichotomie par James Gray.

Two Lovers" n'est pas une comédie pas plus qu'une tragédie romantique. Ce film ne se termine ni bien, ni mal. Nous ne sommes ni heureux, ni malheureux pour les protagonistes. C'est un peu de tout ça à la fois. C'est assez difficile à décrire mais c'est la complexité du sentiment final qui fait en grande partie l'originalité et la force de cette histoire. C'est parce que bien souvent les évènements ne pourraient avoir d'autre fin que celle-là (et ne devraient, n'en déplaise aux scénaristes hollywoodiens si friants de Happy-ends guimauves) qu'il y a dans ce film une certaine vérité.


James Gray, nous offre donc sa version du film romantique. Mais heureusement pour moi, qui ne suit pas très fleurs bleues, il s'éloigne des codes habituels du genre. L'atmosphère, sans être asphyxiante ou angoissante, est sombre. La majorité du film se déroule de nuit. Et c'est donc avec les codes du film noir (un petit côté "Fenêtre sur cour" dans la relation avec Michelle) qu'il film cette histoire "sentimentale". C'est l'occasion pour lui d'étudier et de disséquer les liens amoureux et à travers eux, le rapport aux parents.


Tout tient donc déjà dans le titre, excellemment choisi, et sa dichotomie. Qui sont donc ces 2 amants ? Sont-ce 2 amants qui forment un couple ? Ou sont-ce les 2 amantes du héros ? Ainsi, toute l'histoire contée est affaire dichotomie. Nous découvrons notre héros, Leonard, magnifiquement interprété par Joaquin Phoenix, qui se jette à l'eau depuis une jetée. Tentative de suicide immédiatement abandonnée puisqu'il s'accroche au pilier et demande du secours. En effet, Leonard souffre de trouble bipolaire depuis sa rupture avec son ex-fiancée. Bref, depuis il vit chez ses parents. La relation qu'il entretient avec sa mère, très juste interprétation d'Isabella Rossellini, est criante de vérité et trouvera son plus beau moment dans cette cage d'escalier alors qu'il s'échappe. Il "travaille" comme grouillot au sein de la blanchisserie familiale. C'est alors l'occasion pour lui de rencontrer 2 femmes. L'une, Sandra (Vanissa Shaw), est la fille d'un homme en affaire avec le père de Leonard. L'autre, Michelle (très bonne Gwyneth Paltrow, je dois le reconnaitre, moi qui l'avait toujours trouvée quelconque), vient d'emménager dans l'immeuble. L'une est brune. L'autre est blonde. L'une est une femme maternelle. L'autre n'a pas réglé sont œdipe et sort avec un homme marié. L'une représente la stabilité. L'autre l'aventure. L'une est calme et aimante. L'autre est instable et égoïste. L'une est le complément de Leonard (reliée par la photographie, lui derrière et elle devant l'objectif). L'autre est son double (nombreux jeux de miroirs). L'une des relations est encouragée par les 2 familles (souvent dans l'appartement familiale). L'autre est ignorée (lieux neutres). Ces femmes qui ne sont pas bêtement opposées de manière manichéenne sont pourtant très différentes et proposent deux formes de relation amoureuse : l'amour sage, tempéré, stable et la passion sauvage et imprévisible. Mais tout ce jeu d'opposition ne serait rien sans cette fin ni logique, ni illogique, ni morale, ni immorale, ni heureuse, ni triste.

ghyom
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le 14 avr. 2014

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