Extraction dispose de trois atouts qui lui confèrent un certain intérêt. Il y a d’abord l’ancrage du récit dans une ville d’Inde prototypique avec ses rues encombrées qui servent de terrain de jeu à des courses-poursuites impressionnantes et constamment perturbées par le passage d’un véhicule, les bousculades de piétons, le heurt d’étales garnies de fruits et de légumes, une ville avec ses immeubles entassés les uns sur les autres dans lesquels survivent des familles et se diffusent des chansons indiennes. Il y a ensuite la volonté de foncer tête baissée dans l’action sans perdre un instant, ce qui donne à l’ensemble un aspect bourrin et brutal parfois proche du jeu vidéo – en témoignent les nombreuses caméras embarquées – mais efficace. Les quelques rares séquences destinées à installer un arrière-plan psychologique et sensible au protagoniste principal ne durent que le temps d’un ou deux flashbacks, assez grossiers dans leur représentation d’un souvenir douloureux – les plans flous sur la plage, on a déjà vu ça mille et une fois. Il y a enfin un acteur.
Chris Hemsworth réussit à apporter à son personnage une envergure légendaire, une figure complexe faite d’une identité paternelle subitement réactivée par sa mission, d’une identité militaire façonnée par ses engagements successifs, d’une identité fantôme puisque le soldat semble être devenu mercenaire sans famille ni patrie, un spectre qui remplit des contrats et touche sa récompense. En ce sens, Extraction rejoint la veine contemporaine du guerrier-fantôme, mort pour les siens mais ressuscité pour le service : 6 Underground et Bloodshot en sont des exemples parmi d’autres. Chris Hemsworth se donne tout entier à son personnage et construit une nouvelle icône dans la lignée des grands héros gros bras des années 80. Ces trois qualités, si elles s’avèrent contrebalancées par des défauts évidents – pauvreté du dispositif cinématographique qui ne se cantonne qu’à épouser les codes du jeu vidéo à la première personne, tendance à la pose lourdingue, seconds rôles mal écrits et peu incarnés à l’écran –, justifient le visionnage d’un film bien troussé.