Programme de trois court-métrages produits par Ecce Films, Ultra Rêve est sorti mercredi, comme une sorte de premier bilan d’un certain cinéma français fétichiste, rêveur, romantique et qui ne fait vraiment pas genre.


Le duo Jonathan Vinel/Caroline Poggi, Yann Gonzalez et Bertrand Mandico ont écrit ensemble un vibrant manifeste pour un cinéma romantique et brûlant de désir dans les Cahiers du cinéma de cet été. Ce poème touchant et stimulant pourrait être résumé par l’injonction hurlante du personnage maudit incarné par la géniale Elina Lowenshon, Joy d’Amato, dans Ultra Pulpe, le court-métrage de Bertrand Mandico : « Plus d’érotisme ! Je veux plus d’érotisme ! ». Chacun à leur manière, les cinéastes des quatre courts du programme cherchent à capter une essence du désir, un rapport charnel à la matière filmée, aux corps. Que cela soit dans les beaux échanges de regards d’adolescents qui se croisent pour la dernière fois dans After School, Knife Fight de Vinel et Poggi, dans les errements d’une jeune fille perdue dans le temps et les sentiments brûlants des Îles de Yann Gonzalez, ou bien encore dans les matières débordantes, dégoulinantes de jus de Ultra Pulpe de Mandico, ce qui nourrit les images c’est une fascination pour la matière cinéma et son inégalable capacité à capter les vibrations du désir. Les points communs entre ces trois court-métrages sont nombreux. Tous présentés sur les deux dernières années en séance spéciale à la Semaine de la Critique à Cannes, tous produits par le même producteur, Emmanuel Chaumet, ils sont réalisés par des cinéastes qui expriment chacun leur désir de former une famille de cinéma. Il y a quelque chose de très émouvant à sentir ce désir autrement que dans des propos recueillis en interview (voir notre entretien avec Yann Gonzalez), et de le voir dans une expérience filmique qui malgré les spécificités de chacun des courts-métrages, se révèlent d’une très belle cohérence.


Le programme commence donc avec le film de Jonathan Vinel et Caroline Poggi, qui commence à se faire connaître depuis leur Ours d’or à Berlin pour Tant qu’il reste des fusils à pompe (2014). Avec After School, Knife Fight ils semblent avoir abandonné pour un temps la violence parfois un peu apprêtée et mode de leur premier essai pour une mélancolie plus douce. Un groupe de rock de lycée se retrouve pour une dernière répétition avant la rentrée, et le départ de leur chanteuse, dont le batteur est secrètement amoureux. Des trois courts, celui-ci est sans doute le plus contemporain, celui qui cherche en tous cas le plus à s’y frotter, les auteurs revendiquant leur désir de travailler une matière et des images du présent, et pas uniquement un univers référentiel. Alors que cela pouvait agacer par endroit dans leurs premiers courts, ce qu’il y a de beau ici, c’est que cette ambition se trouve contrebalancée par le choix du 16mm, appartenant au passé selon leurs propres dires, qui donne à cette imagerie quelque chose de plus nostalgique et de plus habité. Poggi et Vinel savent très bien à travers le choix de détails de costumes, d’expression dans un dialogue (beau moment autour d’une conseillère d’orientation) attraper discrètement des choses de la jeunesse contemporaine, en ne refusant pas la naïveté, la mélancolie, ou l’émotion la plus simple d’une rencontre amoureuse. Comme Ultra Pulpe, qui raconte la rupture de Joy d’Amato, « réalisatrice la plus mal-aimée de sa génération » et son amante Apocalypse, After School, Knife Fight est un beau film d’adieu, dont la simplicité mélodramatique et le parfait pendant à la furie créative du délire de Mandico.


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http://faispasgenre.com/2018/08/ultra-reve-critique/

PjeraZana
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le 2 sept. 2018

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