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5,75/10


Dans un genre bien différent, Paul Greengrass relate dans Un 22 juillet l’attentat commis par Anders Breivik en Norvège le 22 juillet 2011, au cours duquel 77 personnes décédèrent, et 319 furent blessées. Le réalisateur remarqué de Bloody Sunday, La Mémoire dans la peau et Captain Philips tente manifestement de renouer avec l’esprit qui lui avait valu l’Ours d’or pour un film plus engagé que dialectique.


Il y alterne le point de vue de Breivik, de la préparation de l’attentat jusqu’au procès, de son avocat Geir Lippestad, de l’une de ses victimes, Viljar Hansen, et de ses parents, ainsi que du premier ministre de l’époque, Jens Stoltenberg. Comme on s’en doute, la diversité des perspectives n’a pas tant pour fonction de faire réfléchir que de représenter précisément les faits, de souligner la crise que l’événement a fait traverser à la Norvège, et de condamner sans appel le crime et ses motivations.


En cela le film me rappelle le débat suscité par le Moi, Daniel Blake de Ken Loach et sa Palme d’or, film dont le didactisme m’avait gêné, mais dont j’avais fini par reconnaître la valeur humaniste, et la simplicité salutaire. Il y a des messages trop nécessaires à des situations trop contemporaines pour les encombrer d’aspérités cinématographiques tout juste bonnes à en diminuer l’efficacité. Dans la même démarche, Un 22 juillet est un puissant rappel des menaces posées en Europe par l’extrême-droite pendant que tous les regards sont rivés sur le terrorisme islamiste, et un appel sans concessions et sans nuances à l’union sacrée contre ceux qui menacent nos libertés et nos vies, de quelque camp qu’ils viennent.


Si le film verse régulièrement dans un pathos facile, et donc rarement touchant, il faut admirer la fidélité de Greengrass aux faits : quand d’autres réalisateurs auraient inventé une victime sous prétexte de synthétiser les parcours, le réalisateur anglais n’invente rien ni personne, au point de paraître parfois excessivement extérieur, par exemple dans son portrait très favorable de Stoltenberg. Cela fonctionne mieux avec Breivik, dont on ne sait rien de plus que ce qu’il fait et ce qu’il déclare ouvertement, dans une étude du monstre clinique et distanciée, refusant toute justification et toute empathie.


Il est difficile de déterminer si Un 22 juillet aurait rencontré son public dans les cinémas. Un peu trop démonstratif, un peu trop classique, un peu trop documentaire (tout de même servi en cela par le style de Greengrass, avec ses effets de caméra à l’épaule), il offre un intéressant complément aux trois parties du documentaire Netflix 13 novembre : Fluctuat nec mergitur, et un autre exemple de ce que la « politique des auteurs » de la plate-forme peut apporter au cinéma, dans ses différences excitantes et dans ses faiblesses, Greengrass ne brillant ni dans son travail de réalisateur ni dans son travail de scénariste dans ce film qui ne conquerra pas les admirateurs de Gus Van Sant (Elephant) ou Polytechnique (Denis Villeneuve).


Mes autres critiques des films Netflix d'octobre : https://cinemaeldorado.wordpress.com/la-lettre/la-lettre-darchimede-100/sur-trois-films-netflix/

XipeTotec
6
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le 11 nov. 2018

Critique lue 174 fois

XipeTotec

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