Merci à la première bande-annonce précédant le début du film, de m'avoir inspiré ce titre. Et un autre merci au seul cinéma de Nancy ayant diffusé Un français, qui est au centre d'une vive polémique - plus de 50 avant-premières annulées, une exploitation en salles pour le moins frileuse. Force est d'admettre à l'issue de mon visionnage, que je n'en saisis pas bien le motif.


Le film de Diastème (aka Patrick Asté) met donc en scène Marco (Alban Lenoir), membre d'un groupe de skinheads, que l'on va voir arpenter peu à peu le long chemin de la rédemption. Bourru sauvé des eaux. Par une simple rencontre. Par une overdose de violence aussi. Si les ficelles ne sont pas toujours très fines, et le long métrage parfois un peu gauche, le réalisateur met en place son histoire à grand renfort de plan séquences, et de nombreuses ellipses, qui n'embourbent pas nécessairement le spectateur pour autant, ce dernier pouvant se repérer à tout moment ou presque, grâce à des indices disséminés de manière régulière dans le récit. Ce pourra être un évènement, un look, une musique, ou plus simplement, une télé cathodique devenue LCD. Vous allez rire mais sur ce point, Un français m'a fait penser à un certain Forrest Gump (juste sur ce point hein !). Pour le reste, on compare souvent le film d'Asté au fameux American History X de Tony Kaye. Si l'on retrouve une évolution du personnage principal assez similaire, l'entourage, les évènements et la chronologie diffèrent grandement. Déjà, l'histoire se déroule sur une trentaine d'années. Diastème a d'ailleurs tourné son film à l'envers (il a commencé par mettre en boite la fin de l'histoire) dans un souci de réalisme (et aussi pour permettre à une paire d'acteurs de faire perdre du poids à leur personnage). Enfin, l'oeuvre emprunte également à des films comme Romper Stomper, dans la manière de dépeindre cet univers fait de violence et de mouvance extrême.


Au chapitre des acteurs, Samuel Jouy joue Braguette (true story), qui aura lui aussi une trajectoire intéressante, politique notamment, sans jamais perdre son approche radicale pour autant. Paul Hamy (Grand Guy), Olivier Chenille (Marvin) et Jeanne Rosa (Kiki) complètent la bande néo nazi de départ. A cette brochette s'ajoute une galerie de personnages qui joueront également un rôle plus ou moins important dans le changement de cap de Marco. A noter qu'Alban Lenoir a été choisi parce qu'il n'était pas très connu, ce qui favoriserait l'immersion du spectateur selon Diastème. Le comédien offre une prestation très solide (comme bien souvent à vrai dire, je l'apprécie tout particulièrement en Klaus dans Hero Corp !). C'est assez drôle d'ailleurs, de le voir quitter des Astier pour rejoindre un Asté. Dans un rôle ô combien plus sérieux, et ambivalent toutefois.


D'ailleurs, choisir la voie pacifiste ne lui apporte pas forcément que des bonnes choses (la mort omniprésente autour de lui, les galères pour se réinsérer socialement, même quand la violence semble bien loin derrière, les difficultés avec sa femme puis l'impossibilité pour lui de voir son enfant grandir), et c'est d'ailleurs quelque chose que j'ai apprécié dans Un français. Le film est bien plus nuancé qu'il n'y parait, et je pense que sa situation telle qu'elle est montrée, indique qu'il n'a pas fait un "bon choix", mais peut-être juste un "moins mauvais" choix. Une descente brutale en ascenseur, plutôt qu’une chute en gaine. D'autre part, le réalisateur n'emprunte pas une voie démonstratrice ou didactique, il nous montre, on déduit (à l'image du squat en dessous de chez lui, sorte de refuge à son quotidien, où l'on imagine aisément que l'idéologie qu'il défend au départ a pu se développer).


Avec Un français, Diastème tente quelque chose de différent. Qu'importent les quelques maladresses ou raccourcis, je ne peux que l'encourager à poursuivre dans cette voie, surtout au beau milieu du paysage cinématographique français actuel. Voir un cinéaste tricolore évoquer des thèmes aussi graves et sérieux que le racisme, de manière crue et sans trop sombrer dans la facilité, cela fait du bien. De la comédie balourde, pas drôle et bourrée de clichés, je ne sais pas vous, mais je n'en veux plus. Gammé, plus gammé.

Gothic
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le 14 juin 2015

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