Au début du XVIe siècle, en Angleterre, le roi Henry VIII (Robert Shaw) décide de répudier sa femme afin d’épouser la jeune Anne Boleyn (Vanessa Redgrave, dans un tout petit caméo muet). Il s’appuie sur le cardinal Wolsey (Orson Welles) afin d’obtenir une dispense de l’Eglise. Mais le successeur de Wolsey et ami du roi Thomas More (Paul Scofield, impressionnant) refuse de cautionner le divorce royal, maintenant sa position au péril de sa vie.


Inspiré de la pièce, non de Jean Anouilh, plus connue de par chez nous, mais de celle du britannique Robert Bolt, le film de Fred Zinnemann (Le train sifflera trois fois, Tant qu’il y aura des hommes) doit d’abord sa réussite à ses dialogues brillants, parfois amusants, toujours très justes, qui illustrent parfaitement la pensée de Thomas More, l’honnêteté et la droiture de sa conscience, ainsi que l'étonnante synthèse entre humanisme et christianisme que l'homme incarne, dans sa fidélité conjointe à son roi et à sa foi, y compris lorsque les deux entrent en conflit.
Car c’est ici le récit d’un dilemme que fait Zinnemann. Si More prend parti pour l’Eglise contre le roi, et maintient sa position envers et contre tout, il n’oblige personne à le suivre, non par faiblesse ou crainte de se tromper, mais par souci de n’engendrer aucune opposition au roi, souverain légitime et protecteur de la loi, loi qui structure la société de manière fondamentale, comme le rappelle Thomas More, magistralement interprété par Paul Scofield, dans ce brillant dialogue, qui n'est qu'une des perles que nous offre le film :



William Roper: “So, now you give the Devil the benefit of law !”
Sir Thomas More: “Yes! What would you do? Cut a great road through the law to get after the Devil?”
William Roper: “Yes, I'd cut down every law in England to do that!”
Sir Thomas More: “Oh? And when the last law was down, and the Devil turned 'round on you, where would you hide, Roper, the laws all being flat? This country is planted thick with laws, from coast to coast, Man's laws, not God's! And if you cut them down, and you're just the man to do it, do you really think you could stand upright in the winds that would blow then? Yes, I'd give the Devil benefit of law, for my own safety's sake!”



Scofield rend parfaitement le déchirement du chancelier qui voudrait rappeler son roi à l’ordre et le soumettre au jugement de l’Eglise, mais sans entamer son autorité.
On ne peut qu’être fasciné par l’abnégation, la soumission exemplaire, ainsi que l’éloquence de More, qui le poussent à clore son procès par un plaidoyer poignant dans lequel il dénonce les traîtrises dont il a fait l’objet, rendant éloquente l’absence de réaction de ses adversaires. Bien mis en photographie par Ted Moore (qui a fait un beau travail sur les premiers James Bond), et superbement interprété, ce film constitue un magnifique hommage à cet homme au destin tragique qui devait devenir l’un des plus grands saints pour le XVIe siècle, et pour l’éternité.

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le 31 août 2017

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