Après des débuts assez laborieux, les deux "légendes du grand judo" étant plutôt marrantes mais parfaitement dispensables, deux films de propagandes que je n'ai pas vus, et deux purges que je ne voudrais revoir pour rien au monde "Les hommes qui marchèrent sur la queue du tigre", et "Je ne regrette rien de ma jeunesse", Enfin...
ça décolle (un peu) dans la carrière de Kurosawa (je rappelle que je suis en train de regarder sa filmo dans l'ordre chronologique).

Le film démarre comme une chronique néoréaliste typique, avec un argument scénaristique mince voire inexistant:

Un homme et une femme en couple, que vont-ils pouvoir faire pour passer le temps durant cette journée de liberté (dimanche), alors qu'ils n'ont que 35 malheureux yens en poche ?

Jouer au baseball avec des gosses et casser malencontreusement une vitre, faire des plans sur la comète, rêver d'une maison commune alors qu'ils sont sans le sous, se fâcher (pas bien compris pourquoi d'ailleurs), prendre un café, et encore rêver...

Dit comme ça, je le concède, ça ne doit pas faire très envie.
Mais d'abord, le duo d'acteur est plutôt étonnant de justesse (et ça déjà, ça fait une grosse différence avec les films qui précèdent), à part une ou deux exceptions (j'y reviendrai).

Ensuite, Kurosawa nous dépeint un univers finalement très occidentalisé, voire américanisé, notamment à l'aide de la musique (on entend beaucoup Carmen de Bizet, dont le fameux toreador qui donne un style fou au film), aux lieux visités (une "boîte de nuit" select), même la mise en scène, le travail sur la caméra beaucoup plus poussé (les premiers vrais travellings!!!! ça fait plaisir!)

Bref, une belle petite ambiance assez immersive..

... Contredite par un énorme ventre mou vers le milieu du film, où nos deux personnages restent prostrés dans une pièce pendant une bonne vingtaine de minutes (ce qui peut renvoyer à une figure là aussi qu'affectionne Kurosawa et qu'on retrouve dans "je ne regrette pas ma jeunesse", avec le personnage du beau-père, ou encore dans Dodeskaden avec l'homme qui ne parle plus), avant que l'héroïne ne se mette à surchouiner comme un loup qui hurlerait à la mort.

Mais, du néoréalisme classique et dépressif (qui ne m'intéresse pas des masses en soi), de la chronique sociale, du compte-rendu objectif du Japon d'après-guerre dévasté, le film dérive soudainement vers la fantasmagorie et l'onirisme.

Soudain, les décors naturels de la ville, sont remplacés par des décors de studios (et la crise du couple lors du ventre mou du film est l'instant clé du basculement) avec des arrières plans peints (et magnifiques, car ils confèrent une nouvelle ambiance très particulière) et donc factices.

Les personnages luttant contre la misère, convoquent leur imaginaire, quitte à naviguer dangereusement sur la frontière de la folie. Et ça, c'est Dodeskaden avant l'heure.

On a comme ça des figures récurrentes : le train symbole d'évasion, invisible, et pourtant on entend son bruitage dans la diégèse du film..

Et comme dans Dodeskaden, les personnages vont s'auto persuader que leurs rêves existent réellement, ce qui donne lieu à ces scènes surréalistes où ils miment qu'ils tiennent un café, ou encore qu'ils dirigent un orchestre symphonique dans un amphithéâtre en plein air, la nuit tombée, et le vent faisant voler les feuilles (avec des travellings aériens sublimes), alors qu'il n'y a rien, si ce n'est des ruines, autour d'eux.

Mais le film est, à mon sens, beaucoup plus optimiste que Dodeskaden qui avait dépassé le degré de la désespérance ultime, et où il y avait une incommunicabilité absolue entre des personnages quasi zombifiés.

Ici, ils sont en vie, ils parlent, ils communiquent, ils ne se comprennent pas toujours, ils s'agaçent, ils se contredisent, ils se découragent, et ils reprennent espoir.
Bref, c'est dans le fond un vrai joli message de compassion qui est véhiculé par le film, même s'il souffre de sérieuses longueurs avec parfois un léger risque de tire-larmes.

PS : Le film est facilement trouvable sur la toile en superbe qualité, et avec sous-titres français, donc si vous êtes des fans de Kurosawa (ce qui n'est pas encore mon cas), et que vous n'allez pas le voir, vous êtes inexcusable.

NB : Raymond Domenech devrait aimer ce film, puisqu'il a fait la même chose que l'un des protagonistes : acheter des billets d'un spectacle pour les revendre pas loin et en douce, plus chers.

Créée

le 28 juil. 2013

Critique lue 1K fois

20 j'aime

5 commentaires

KingRabbit

Écrit par

Critique lue 1K fois

20
5

D'autres avis sur Un merveilleux dimanche

Un merveilleux dimanche
Docteur_Jivago
7

Sweet Devotion

Comme l'indique le titre, Masako et Yuzo ont l'occasion de passer un merveilleux dimanche, unique jour de la semaine où ils peuvent se voir, passant leur temps à rêver d'une vie meilleure dans un...

le 27 févr. 2017

26 j'aime

Un merveilleux dimanche
KingRabbit
7

Mini-Dodeskaden

Après des débuts assez laborieux, les deux "légendes du grand judo" étant plutôt marrantes mais parfaitement dispensables, deux films de propagandes que je n'ai pas vus, et deux purges que je ne...

le 28 juil. 2013

20 j'aime

5

Un merveilleux dimanche
Kobayashhi
7

Sunday Happy Sunday

Un merveilleux Dimanche est le 7ème long métrage du maître, après avoir abordé des thèmes divers et variés comme les arts martiaux, la seconde guerre mondiale, le folklore Japonais ou la résistance...

le 16 août 2013

19 j'aime

2

Du même critique

Les 8 Salopards
KingRabbit
8

Peckinpah Hardcore

Le film va diviser... Encore plus que d'habitude pour du Tarantino, mais sur le plan moral essentiellement, là où les précédents Tarantino décevaient également sur la forme, avec des films...

le 25 déc. 2015

259 j'aime

26

Batman & Robin
KingRabbit
9

Pourquoi j'aime (sincèrement) "Batman et Robin"

Je vois bien ce petit jeu qui consiste à se moquer plutôt méchamment et bassement de ce film en tournant en dérision tous ses côtés un peu débiles volontaires ou non. Mais j'aime vraiment bien Batman...

le 16 juin 2013

162 j'aime

25

Battle Royale
KingRabbit
7

Souvenirs de collège

Je me souviens, il y a une douzaine d'années, quand je n'étais qu'un collégien d'1m57, de la salle de perm, à la cour, jusqu'aux couloirs étroits menant au réfectoire, se murmuraient avec insistance...

le 8 sept. 2013

119 j'aime

5