Le camping de beaufs ou la maison en pierres de taille en Ardèche, les postiers du Nord ou les architectes parisiens, les blagues à deux balles d'histrions fatigués ou les plaintes chouineuses de nombrilistes frileux, comédies grasses vs drames intellos on dirait que le cinéma français aime bien creuser sa propre tombe dans la boue des clichés. On s'en doute un peu, Mia HL fait plutôt partie du deuxième groupe, et grâce à elle, les lieux communs continuent de se porter bien. Le CNC applaudit des deux mains. Et le cinéma d'auteur de ressembler de plus en plus à une (très) longue pub pour les produits laitiers, vous savez nos amis pour la vie.

Oh sur le papier, évidemment, l'idée de raconter l'histoire d'une jeune fille incapable de tirer un trait sur son amour d'enfance, malgré la vie qui passe, portant au plus profond d'elle même une tristesse inexplicable et infinie, pourrait donner lieu à un très beau film. Soit dans la discrétion et la retenue, soit dans la folie et la passion. Mais dans la France de 2010, telle qu'ont l'air de la vivre les réalisateurs d'aujourd'hui, il serait bien malséant d'être passionné, et impensable d'être discret. Et Mia, comme beaucoup d'autres désormais, de choisir la voie royale : le confort allié au conformisme, parler de soi-même jusqu'à l'ivresse, mais en chuchotant. Faire semblant de regarder les autres pour continuer à s'admirer, et d'artiste devenir enfin autiste, muré face à soi-même.

Les prises de risque, les débordements, le border-line, les imprévus, les bavures, les zones d'ombre, c'est bon merci, on en a soupé. Le cinéma hexagonal, miroir de notre société, préfère se vautrer dans le principe de précaution. Que le spectateur sache toujours ce qu'il est en train de regarder et pourquoi on lui montre les choses qu'on lui montre. Traçabilité et ceinture de sécurité. Soyons modérés, mes amis, par pitié : Filmer Tue.

Alors en bonne élève appliquée, Mia HL dévide sa pelote : dans ses films, quand on se fait larguer par son mari pour une plus jeune, on continue à en dire du bien, quand on tombe amoureux de son élève on attend d'avoir divorcé pour le lui avouer, quand on fait venir son amant à la maison, on dort dans la chambre d'ami. Quand on fait l'amour, on éteint la lumière, quand on sort au soleil c'est avec un chapeau, et quand on laisse sa serviette sur une plage, c'est seulement après avoir posé des cailloux dessus. Bref, quand on a dix-sept ans on est bien sérieux. La liberté est devenue la pire des insultes, le pire des dangers. Films ou cercueils même combat : faisons dans le plombé !
Chaiev
3
Écrit par

Créée

le 13 juil. 2011

Critique lue 1.3K fois

42 j'aime

44 commentaires

Chaiev

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

42
44

D'autres avis sur Un amour de jeunesse

Un amour de jeunesse
eloch
8

" Ne fait pas tout reposer sur moi "

Mais d'où sortent les héroïnes de Mia Hansen-Love ? Où va t-elle chercher ces jeunes fleurs perdues, mélancoliques et douces qui s’essayent à la vie et à l'amour ? Camille, jeune lycéenne de 15 ans...

le 30 mars 2013

27 j'aime

10

Un amour de jeunesse
Vikler
2

Quelle plaie...

Deux mois après sa sortie, j'ai quand même pu aller voir Un amour de jeunesse de Mia Hansen-Løve. J'avais entendu tellement de bonnes critiques sur ce deuxième film comme sur son premier, et puis ce...

le 3 sept. 2011

17 j'aime

2

Un amour de jeunesse
Sergent_Pepper
8

Désirs et deuils

A un moment, durant le film, le couple sort du cinéma. Le jeune homme fustige le cinéma français qui se regarde le nombril, bavard, etc. C'est sacrément gonflé. Parce qu'il est bien français, parce...

le 8 sept. 2013

13 j'aime

Du même critique

Rashōmon
Chaiev
8

Mensonges d'une nuit d'été

Curieusement, ça n'a jamais été la coexistence de toutes ces versions différentes d'un même crime qui m'a toujours frappé dans Rashomon (finalement beaucoup moins troublante que les ambiguïtés des...

le 24 janv. 2011

279 j'aime

24

The Grand Budapest Hotel
Chaiev
10

Le coup de grâce

Si la vie était bien faite, Wes Anderson se ferait écraser demain par un bus. Ou bien recevrait sur le crâne une bûche tombée d’on ne sait où qui lui ferait perdre à la fois la mémoire et l’envie de...

le 27 févr. 2014

268 j'aime

36

Spring Breakers
Chaiev
5

Une saison en enfer

Est-ce par goût de la contradiction, Harmony, que tes films sont si discordants ? Ton dernier opus, comme d'habitude, grince de toute part. L'accord parfait ne t'intéresse pas, on dirait que tu...

le 9 mars 2013

243 j'aime

74