Fragments de vie d’un cœur d’artichaut (double critique)

L'avis de Willard :


Adapter « Fragments d’un discours amoureux » de Roland Barthes est probablement l’un des projets les plus étranges que l’on ait pu voir circuler ces dernières années. Pour cause, difficile d’imaginer un cinéaste tirer une œuvre de fiction qui tienne la route d’un essai sociologique de plus de 250 pages composé de mini-scénettes explicatives sur les comportements sentimentaux d’une femme célibataire. Pourtant Claire Denis s’y est essayé.


Ici, la femme célibataire s’appelle Isabelle, cinquantenaire divorcée, cherchant l’amour avec un grand A mais qui ne semble tomber que sur des mauvais numéros. Tout l’enjeu de l’intrigue sera de suivre cette héroïne, assez malchanceuse dans ses relations avec le sexe opposé, voguer de prétendant en prétendant. Si je reconnais que le duo Angot/Denis a fait un travail colossal d’adaptation en actualisant ou enrichissant avec humour les situations de Barthes, malheureusement, je trouve qu’« Un Beau Soleil Intérieur » n’est rien d’autre qu’une succession de scénettes inégales et bavardes. Dans le lot, il y a quelques scènes vraiment marquantes comme la rencontre Depardieu/Binoche qui fait des étincelles mais entre son héroïne qui tourne en rond et ses archétypes de goujats du dimanche oscillants entre le portrait finement dressé et la caricature, j’ai eu du mal à me passionner pour le film.


Pour autant, ce n’est pas totalement déplaisant. Claire Denis rivalise d’idées pour rendre sa mise en scène esthétique et sa direction d’acteurs frôle l’excellence. Juliette Binoche rayonne dans la peau de cette femme en quête d’amour, Beauvois prouve qu’il est parfait pour jouer un gros con imbu de sa personne et les autres seconds couteaux comme Nicolas Duvauchelle ou Phillippe Katerine sont excellents dans des registres un peu différents de leurs rôles habituels. Bref, un projet ambitieux sur le papier et qui possède de belles qualités mais qui n’a pas laissé une trace indélébile dans ma mémoire. Dommage.


L’avis d’Alcide :


Succès surprise au box-office, que vaut ce film de Binochexploitation ?


Un nouveau long de Claire Denis, c’est un peu comme un nouvel album de Dany Brillant, ils passent sur nostalgie ou à la cinémathèque dès leur sortie. Faut dire que son public est d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, toujours sur des sujets variés (on a même droit au couple cannibale dans Trouble every day) se concrétisant souvent par le portrait d’un personnage en pleine crise existentielle dans un milieu urbain. Un beau soleil intérieur n’y déroge pas, Juliette Binoche incarne une artiste divorcée en quête du grand amur (l’amour à l’âge mur), naviguant à l’aveugle de rencontres en rencontres. Se succèdent sans trop d’enjeux des dialogues avec son entourage, des nouvelles têtes et des boums pour adultes, le tout impeccablement joué mais rythmé comme un trajet en bus. Le film réussit tout de même à te mettre dans la peau d’une cinquantenaire qui ne sait pas ce qu’elle veut mais qui sait ce qu’elle ne veut pas,ce qui n’était pas gagné vu qu’a la base je suis homme de 27 ans.


Bref, on en est pas sorti hystérique mais pas mécontent non plus, d’autant plus que la dernière séquence, de loin la meilleure, vois une icône nationale se payer un monologue halluciné tandis que le générique défile.


Critique issue de :http://cinematogrill.fr/un-beau-soleil-interieur/

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le 10 oct. 2017

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