Loi freudienne : A la mort du père, l'affaissement symbolique et autoritaire laisse place à la détresse d'un psychisme orphelin, et voilà tout un pays, la Tunisie, au lendemain du Printemps arabe, sur le divan ! Mais le tunisien ne s'allonge pas facilement... "nous, on a Dieu, on n'a pas besoin de ces conneries !", assène l'oncle à sa nièce Selma (magnifique Golshifteh Farahani), quand celle-ci, belle et indépendante, revient de Paris où elle a fait ses études, à Tunis, pour y installer son propre cabinet de psychanalyse. Un toit-terrasse, un divan et le regard de Freud coiffé d'un chéchia. Selma a le sentiment que ses compatriotes ont besoin de déverrouiller les pulsions et les traumas du dedans. Car la chute du père dictateur (Ben Ali) à qui succèdent les Frères musulmans, la peur du changement mêlée à l'appel des sirènes de l'Occident dont Paris reste l'Eldorado, le choc des cultures enfin peuvent justifier bien des névroses !
Mais les débuts sont épiques, surtout quand des tracasseries administratives et quelques policiers zélés viennent entraver les séances du cabinet.
Manele Labidi fait défiler une galerie savoureuse de patients devant le fauteuil de Selma. On sent qu'elle aime ses personnages, qu'elle ne ridiculise jamais. Sans autre ambition que celle très honorable de peindre la crise d'un pays désoeuvré tout autant que l'humour de ses compatriotes, elle livre un film léger, solaire et impertinent. Golshifteh Farahani est comme toujours lumineuse en jeune psychanalyste qui a elle-même à dénouer son rapport aux siens, au pays et à l'exil. Un excellent moment hier après-midi !