Un gentil petit film, construit autour d'un personnage plutôt revêche, mais surtout centré sur la société tunisienne contemporaine, dont il tente de faire le portrait tendre et acéré. Une entreprise louable, dont j'ai apprécié la bienveillance et supporté avec plus de peine la caricature. Car chaque personnage veut représenter un type humain et apporte, de ce fait, une contribution plutôt monolithique à l'édifice social. Mais bon, admettons que nous tenions là un lointain cousin méditerranéen d'En thérapie, qui se focaliserait davantage sur ce qui se passe à l'extérieur du cabinet que sur les problèmes individuels des patients. On semble nous dire que la psychanalyse est un loisir d'occidental aisé, vivant dans des pays fonctionnels, et que la Tunisie ne peut pas se permettre le luxe de se pencher sur la santé mentale de ses citoyens tant son système politique est défaillant. La corruption y est endémique, la fonction publique parasitaire, et les jeunes y étouffent sous le poids de conventions absurdes qui brident leurs aspirations à une société plus juste. J'ai parfois pensé à la Colombie de Márquez, mais vite fait, alors, parce que, si le ton est parfois similaire, l'ambition n'est pas la même. Cela dit, tous les films ne sont pas forcément ambitieux, et celui-ci apporte autre chose, une sorte de constat joyeux des difficultés auxquelles sont confrontés des gens à la croisée de deux cultures, qui passent avec fluidité d'une langue à l'autre mais se heurtent à des contradictions culturelles insolubles, notamment en matière de mœurs. Pour vivre leurs vies, les jeunes acceptent des traditions archaïques qu'ils détournent (le mariage, le voile) sans vergogne, et tous, jeunes et vieux, ont les yeux tournés vers l'Europe et plus précisément la France, dont ils maîtrisent la langue, et qu'ils idéalisent carrément. Bref, un état de faits plutôt intéressant pour une comédie de mœurs un peu superficielle mais pas désagréable.