Au milieu d'Un grand voyage vers la nuit, le héros s'assoit dans un cinéma et chausse ses lunettes. C'est le signal que le film passe soudain en 3D avec un plan-séquence qui va durer pas moins d'une heure. Vous avez dit Bi Gan ? Oui, c'est bien de ce cinéaste prodige chinois de moins de 30 ans, auteur du déjà très remarqué Kaili Blues, qu'il s'agit. Mais avec ce deuxième long-métrage, il passe à la vitesse supérieure, du moins par son ambition. Un grand voyage vers la nuit semble en effet se placer entre Wong Kar-wai, pour l'esthétisme et le romantisme, et David Lynch, pour l'opacité labyrinthique de la narration. Le résultat ne comblera pourtant pas tous les spectateurs car le film peut aussi passer pour un exercice formel un brin prétentieux et dénué de fond véritable. On peut cependant l'apprécier pour ses qualités visuelles et sonores qui en font un objet hypnotique (malgré une voix off très sentencieuse) à partir du moment où on se laisse entraîner sans chercher véritablement à comprendre sa finalité. Le film évoque la porosité de la mémoire et la fausseté de souvenirs qui prennent davantage l'aspect d'une rêverie trafiquée et embellie. Bi Gan a manifestement beaucoup de talent mais aussi, sans aucun doute, une grande conscience de sa propre virtuosité. L'on peut sortir d'Un grand voyage vers la nuit très agacé ou bien complètement séduit. Ne rien en savoir avant la projection et plonger dans ce songe nocturne sans a priori est encore la meilleure façon d'apprécier le voyage.

Cinephile-doux
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le 6 juil. 2018

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