Le film est un honnête film à suspense, avec un jeu d'acteur très bien mené. L'histoire est celle d'un artiste raté, comme tant d'autres, qui parvient à saisir une occasion pour usurper une identité, un parcours de vie, une oeuvre qui s'ignore. A perfection, il faut le dire. Mise en scène dans la mise en scène, le personnage que notre héros doit camper s'effrite peu à peu, comme un vernis mal fixé. Le mensonge devenant la seule issue pour ne pas se dérober à l'arnaque, le déclin du faussaire devient alors irrémédiable. Aucune révélation, c'est l'histoire de nos vies: à jouer des rôles, comme tant le font, il faut savoir que la vérité remonte toujours à la surface, quand elle ne transparaît pas parfois derrière le masque. Le mensonge est une ivresse dont on se repaît sans fin, pour la reconnaissance d'autrui ou pour son amour-propre, et c'est normal que de vouloir cela: notre héros souhaite ce à quoi chacun de nous aspire, la reconnaissance. Etre reconnu, en tant qu'artiste, en tant que personne, en tant qu'individu. Dans un monde où nous ne sommes que des numéros, des matricules, des montants, où l'individu qui s'estime est un narcissique, où celui qui s'écrase est un bon employé, on n'a que sympathie pour ce personnage qui ment pour vivre, et ne plus survivre. Voilà pourquoi le film est saisissant: il traduit ce rapport ambigu que nous avons à la réalité, entre acceptation de notre condition tragique [au sens Nitzschéen du terme] et le désir de se sentir aimé, reconnu, pour oublier, l'espace d'un instant, cette condition tragique. Dans l'histoire de cette usurpation, il demeure une sorte d'innocence touchante, que Pierre Niney semble incarne d'ailleurs avec brio.