Ou comment faire du cinéma un briseur de rêves
Amour et amitié, deux relations qui ne font pas bon ménage, et à part nous démontrer cette vérité déjà fort connue et répandue, le film n'apporte rien si ce n'est un profond sentiment d'injustice.
Nostalgie des années 1990 en Angleterre, tenues vestimentaires et "looks" british, musique électro, sorti du décors, le film se révèle fade. Pourtant, le synopsis avait de quoi plaire. Mais à trop jouer sur la nostalgie, la tristesse et l'ambiguïté des sentiments, c'est tout le film qui devient ambigu, nous perd, s'essouffle et nous laisse avec une profonde amertume.
L'histoire de Em et de Dex est certes séduisante, les acteurs bons, mais la mélodrame peint en fond de toile ne colle pas. La belle Emma toute de blanche entourée et le Dexter qui vit la nuit, animateur d'émissions télévisées trop égoïste pour prêter la moindre attention à sa mère mourante, et trop drogué pour véritablement rendre heureuse les femmes qui l'aiment. Le spectateur n'aime pas, n'y croit pas, n'arrive pas à trouver ce personnage attachant bien au contraire! Véritable bourreau des cœurs cet homme aura gâché la vie d'une femme pure.
Mais passer le scénario laconique, concentrons nous sur la réalisation beaucoup plus propre et soignée, véritablement belle et poétique. Cette histoire troublante et touchante s'en sort grâce aux nombreux rebondissements induits par le scénario lui-même, mais surtout par la réalisation. Les plans sont beaux, différents les uns des autres, tantôt rapides tantôt lents. Et pourtant, on ne nous montre pas tout. Combien de fois le spectateur apprend-il l'histoire passée des personnages en écoutant simplement les dialogues? Véritable maître de l'ellipse, Scherfig coupe et recoupe son histoire, morcèle son film, en fait un puzzle dont nous devons recoller les morceaux. C'est beau. Les ellipses se succèdent et sont à l'image du caractère changeant de Dexter, tantôt en véritable manque affectif d'Emma, tantôt subjugué par le côté obscur des débuts de la télé réalité qui l'aspire, pour finalement en faire une épave au chômage et sans le moindre talent. Mais finalement, le moins talentueux sera celui qui survit à cette histoire d'amour étalée sur 20 ans.
La belle aura attendu son prince charmant 20 ans, pour finalement en profiter et être heureuse que pendant une fraction de seconde, avant de chanceler irrémédiablement. Ce film n'est pas un conte de Cendrillon ni de petite fille, et pourtant, on tente de nous le faire croire, en témoigne la scène finale où Dexter perché sur les hauteurs d'Édimbourg raconte son histoire sentimentale à sa fille.
En quelques mots, une réalisation propre et enivrante, qui ne parvient malgré tout pas à contrebalancer la déception du scénario et la tristesse de cette histoire.
La morale de ce film ne serait-elle pas que ce n'est pas la peine d'attendre le bonheur et de s'accrocher à ses rêves car la descente sur Terre s'avère fatale? Ou que le bonheur est éphémère?
Et nous qui pensions que le cinéma devait créer des rêves et non les anéantir...