Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils sont amoureux. Gatsby et Ashleigh quittent leur verdoyant campus le temps d’un weekend à Manhattan. La jeune étudiante en journalisme y a décroché une interview avec le réalisateur star Roland Pollard, sans se douter qu’elle tomberait sur un artiste en pleine crise existentielle, rencontre qui viendra ruiner le parfait week-end rétro (drinks au Carlyle et chambre au Le Pierre) que lui avait concocté son amoureux.
Gatsby, romantique aux cheveux longs et veste en tweed, porte en lui le poids de son nom et la nostalgie d’une époque qu’il n’a pourtant pas connue. Woody Allen nous présente un personnage qui s’il apparaît comme autobiographique n’en reste pas moins un jeune homme que l’on a croisé cent fois au cinéma comme en littérature, arpentant les piano-bars mais se refusant à grandir. On s’attend presque à le voir courir vers un champ de seigle pour y attraper les coeurs qui s'approchent trop près de la falaise.
Si la pluie tente bien vite de voler la vedette, c’est sans compter la beauté solaire d’Elle Fanning qui transperce l’écran autant que les nuages dans le rôle d’Ashleigh. La jeune fille originaire de l’Arizona nous apparaît comme un rayon de soleil, autant par la performance de l’actrice que par la subtilité du montage. Comme par un jeu de miroir, la fraîcheur d’Ashleigh se trouve renforcée par le cynisme de Chan (une excellente Selena Gomez) bien que les deux jeunes femmes n’apparaissent jamais ensemble à l’écran. Ou dans une scène où le frère de Gatsby confie à ce dernier qu’il songe à quitter sa fiancée pour la raison qu’il ne peut plus supporter son rire. Au contraire, lorsqu’Elle Fanning se met à rire, on en viendrait presque à souhaiter qu’elle ne s’arrête jamais.
De délicieuses répliques dont on peine parfois à croire qu’elles viennent d’être livrées par des post-adolescents (“I shouldn’t imbibe so copiously”) font pourtant le charme de cette comédie romantique dont on passe le premier acte à se demander à quelle époque elle se déroule. Tout, d’un Timothée Chalamet ne quittant jamais sa veste en tweed aux jupes plissées et pulls pastel d’Elle Fanning, semble vouloir nous projeter vers l’Ivy League des années 60. Il faudra attendre qu’Ashleigh sorte un iPhone de sa poche pour s’assurer que oui, nous sommes bien en 2019.
Le tout file comme une pièce de théâtre dont les scénettes s’enchaînent de manière fluide et élégante, bien que l’on se serait volontiers passer de la parenthèse vaudevillesque entre Ashleigh et l’acteur Francisco Vega se concluant par la jeune ingénue se cachant dans l’escalier de secours avec ses sous-vêtements pour seule tenue (grincement de dents). C’est finalement lorsqu'il se laisse aller au spleen le plus total que le film fait le plus sourire. “Time flies, and unfortunately it flies coach”.
Alors que la pluie se calme, c’est avec une facilité naturelle les situations se démêlent. Les amoureux qui auront passé la journée à se chercher l’un l’autre finiront par se trouver eux-mêmes. Aux personnages comme aux spectateurs, Woody Allen offre avec Un Jour de Pluie à New York une aventure dans laquelle on se plaît à se perdre malgré le mauvais temps.