Il y a, au début d’« Un merveilleux Dimanche », une scène d’emblée particulièrement probante : le couple que nous allons suivre le long du film, le temps d’un dimanche, visite une maison dans la Tokyo ruiné de l’après-guerre. D’entrée de jeu, la jeune femme imagine sa future terrasse, son futur style de vie, en regardant la vue sur le quartier depuis l’entrée principale. Son compagnon l’entraine alors au fond de l’appartement et ouvre une fenêtre donnant directement sur un mur, lui rappelant de revenir à la réalité. Et il y a ici ce souci constant et émouvant, car éminemment cinématographique, de la frontière entre l’imaginaire grandiose et la triste réalité. « Un merveilleux Dimanche » se construit entre le burlesque et la mélancolie, entre le contemplatif et l’introspectif, canalisant avec acuité ses enjeux sur l’imprévisibilité de la vie dans la pauvreté. Avec acuité car, rappelons le, nous y suivons, dans l’espace d’une journée de dimanche, un couple en galère, poussant le film a osciller méticuleusement entre deux drames : l’un social, l’autre intime. Et Akira Kurosawa ne se contente pas seulement de raviver l’amour unissant ces deux êtres, mais étudie méticuleusement ses deux composantes en leur imposant un récit guidé par un certain libre arbitre. On aurait même l’impression que le cinéaste préfigure la nouvelle-vague nippone : impossible de ne pas songer au « Contes cruels de la Jeunesse » de Nagisa Ôshima, ou encore l’injustement méconnu « Les Baisers » de Yasuzō Masumura. Cet aspect d’« Un merveilleux Dimanche », discret au commencement, est flagrant dès la dernière demi-heure, où l’impuissance, le désespoir de nos héros se transforme en rédemption nébuleuse. Quand tout devient impossible, alors autant devenir soi-même impossible, par exemple en regardant la caméra, pour entrainer le spectateur dans une danse soporifique et malheureuse, mais pour laquelle tous les espoirs sont encore permis ! Majestueusement émouvant, pour ne pas dire fascinant.

JoggingCapybara
8
Écrit par

Créée

le 18 nov. 2020

Critique lue 54 fois

1 j'aime

JoggingCapybara

Écrit par

Critique lue 54 fois

1

D'autres avis sur Un merveilleux dimanche

Un merveilleux dimanche
Docteur_Jivago
7

Sweet Devotion

Comme l'indique le titre, Masako et Yuzo ont l'occasion de passer un merveilleux dimanche, unique jour de la semaine où ils peuvent se voir, passant leur temps à rêver d'une vie meilleure dans un...

le 27 févr. 2017

26 j'aime

Un merveilleux dimanche
KingRabbit
7

Mini-Dodeskaden

Après des débuts assez laborieux, les deux "légendes du grand judo" étant plutôt marrantes mais parfaitement dispensables, deux films de propagandes que je n'ai pas vus, et deux purges que je ne...

le 28 juil. 2013

20 j'aime

5

Un merveilleux dimanche
Kobayashhi
7

Sunday Happy Sunday

Un merveilleux Dimanche est le 7ème long métrage du maître, après avoir abordé des thèmes divers et variés comme les arts martiaux, la seconde guerre mondiale, le folklore Japonais ou la résistance...

le 16 août 2013

19 j'aime

2

Du même critique

Il n'y aura plus de nuit
JoggingCapybara
8

Soleil noir

Autrefois particulièrement productif et jouissant d’une considérable aura auprès du public, le genre du film de guerre, hormis quelques rares éclats, donne désormais l’impression de s’être...

le 28 juin 2021

9 j'aime

Jeunesse (Le Printemps)
JoggingCapybara
8

S'en sortir sans sortir

Première partie d’une trilogie, « Jeunesse (Le Printemps) », fresque documentaire tournée entre 2014 et 2019 dans les cités dédiées à la confection textile de Zhili (à 150 kilomètres de Shanghai, au...

le 3 janv. 2024

8 j'aime

8

Séjour dans les monts Fuchun
JoggingCapybara
8

Nature des êtres

Il y a comme un paradoxe dans « Séjour dans les Monts Fuchun ». Les personnages, dans l’ensemble de leurs dialogues, parlent d’argent, d’une manière si exacerbée que cela en frôlerait presque...

le 10 janv. 2020

7 j'aime