Aussi déplaisant dans sa forme qu’indispensable dans le fond, Un pays qui se tient sage partage quelques errements avec les récents documentaires réalisés par François Ruffin. A savoir : une parole unique, une mise en scène d’une platitude absolue et une certaine forme de démagogie. Pour autant, en ces temps où le combat contre les fake news, voire les mensonges d’état, se doit d’être sans concessions, la caméra de David Dufresne reste une arme redoutable.


La répétition ad nauseum de séquences filmées par des téléphones portables, exhibant une violence parfois porn (main arrachée, visage en sang, cris de douleur), retourne le cœur et contribue évidemment à creuser le fossé entre le discours politique de Macron et de ses ministres/députés – pour lesquels « les violences policières n’existent pas du fait que l’on est dans un état de droit » – et la réalité, aussi abjecte qu’on peut l’imaginer (tabassages en règle et en groupe, face à des personnes seules). Le contrepoint de ces vidéos amateur, vibrantes, tremblantes, hurlantes, c’est bien entendu le calme et les plans fixes imposés lors des séquences de réflexion citoyennes. Fond noir, gros plans, l’ascétisme est de mise mais cache mal le manque d’ambition du réalisateur, rejoignant ainsi dans le procédé et la forme son double opposé, Hold-Up, grotesque et fakeux jusqu’à la nausée.


Qui plus est, tous les intervenants de Un pays qui se tient sage sont placés dans un même cadre, quelle que soit leur rôle (témoin, observateur, acteur des manifestations)… Il ne s’agit pas d’instaurer une échelle de valeur dans la qualité ou la crédibilité de la parole, mais simplement de replacer chaque personne dans un espace qui lui serait propre et surtout personnel, sans faire appel à notre seul « bon sens » à l’écoute de tel ou tel. Car en faisant le choix, délibéré, de ne pas préciser qui est qui, la parole se dilue dans une sorte de magma indéfini mêlant réflexions personnelles, sociologiques, philosophiques, jusqu’à l’épuisement.
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Francois-Corda
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le 24 sept. 2021

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