"Un peuple et son roi" : un film qui prend des risques, et je l'ai bien aimé pour cela. Très différent de la bande-annonce, qui peut donner l'impression d'un film didactique, d'un traitement classique de la reconstitution historique au cinéma. Au contraire Schoeller se permet de faire un film historique à gros budget mais avec un scénario et une mise en scène dans la lignée de "L'exercice de l'Etat". Il ne filme pas son décor et ses costumes, bref le budget du film, comme de beaux tableaux, ou comme le salon de mamie, pour faire "historique". Il préfère utiliser un piqué numérique moderne, des éclairages très présents assez surprenants. Le film cherche avant tout à être immersif. Il ne choisit pas non plus de raconter la grande histoire à travers le trajet d'un héros ou d'une héroïne, formule qui fonctionne, mais rabâchée depuis Griffith. Il a préféré écrire un film choral et distancié - on est plus proche d'Eisenstein, avec ce "peuple" fait d'une multitude de visages, que l'on n'a jamais le temps de connaître tout à fait. Il nous donne l'impression d'être là, au présent, en 1789 et après, au milieu de cette foule. L'utilisation des vedettes au casting est aussi intéressante : certains deviennent des personnages importants de l'histoire, d'autres disparaissent rapidement. Il y a tout de même une histoire d'amour entre deux protagonistes du "peuple", qui surnage, mais globalement on est en empathie avec tout ce groupe, comme un bloc. Et de l'autre côté, le Roi, seul, contraste frappant, nous émeut paradoxalement. C'est le côté paradoxal qui m'a finalement plu : je n'ai pas senti de message appuyé dans le film, plutôt la volonté de nous embarquer dans la période d'après 1789 de manière sensorielle, et de raconter la contradiction d'un peuple éduqué à adorer son Roi mais qui cherche tout de même à s'en libérer. Tout n'est pas parfait dans le film, bien sûr - à titre d'exemple, j'aurais aimé voir le film se terminer à l'avant dernière scène (un grand moment de cinéma), mais un épilogue de trop tente de vraiment "conclure" pour ne pas trop bousculer le spectateur. Mais j'ai surtout été pris par le film, qui ne fait pas ses 2 heures, et surtout il m'a questionné par sa narration tordue et parfois casse-gueule, ses à-côtés, ses audaces.