Au-delà de son luxueux packaging, Un Peuple et son roi, dépassé par sa complétude historique comme narrative, finit par provoquer un sentiment d’amertume permanente, où le grandiose paraît tout proche mais ne semble jamais vraiment pouvoir être atteint. La volonté de Schoeller de vouloir couvrir, de manière synthétique et schématique (le film est chapitré), les soubresauts de l’intime comme les grands actes politiques issus de la Révolution Française place le film dans un entre-deux peu propice aux frissons, personnels comme historiques, qu’appelaient un tel sujet. Les personnages, à l’image de leurs interprètes (de Ulliel à Haenel en passant par Garrel, Lafitte et Gourmet – exception faite de Lavant, profitant du rôle de Marat pour se hisser au dessus de la masse) traversent le film comme des symboles sur pattes, des objets matérialisant une idée (l’espoir du peuple qui cherche la lumière, ainsi que toutes les variations de ce même espoir lors de chaque séquence du film) à défaut d’incarner pleinement ces corps portés, rongés, déformés ou mutilés par le mouvement de la Révolution, que Schoeller aura tenté de figurer quelques reprises (le personnage de L’Oncle qui perd ses deux yeux dans la bataille ou Basile qui, voûté au début du film, se tiendra de plus en plus droit).
C’est cette idée de l’enrobage systématique, où la Révolution se matérialise à l’extérieur des corps (la lumière, les artifices, les cris et les hurlements) et non à l’intérieur d’eux même (les corps sont vidés de toute substance, ne sont que les avatars de la Révolution plutôt que la Révolution en elle-même) qui figure le réel problème d’Un peuple et son roi. Reste qu’il subsiste à ce capharnaüm historique, aussi contrefait qu’en parfait équilibre, quelques brèves éclaircies, où le plaisir de la mise en scène tente de gagner un peu de terrain sur le film-somme pétrifié par les enjeux primordiaux qu’il tente, non sans tressaillir, d’illustrer. Quelques belles idées interviendront lors des scènes à l’Assemblée, là où la direction de notre regard fait partie intégrante de la plaidoirie politique, ou lorsque le roi de France finit par être décapité d’un bref coup de guillotine face aux mines, mi-satisfaites, mi-déconfites, de son ex-peuple, qui aurait aimé savourer l’aboutissement de son soulèvement un tout petit peu plus longtemps.
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