Une œuvre signée Verneuil, portée à l'écran par deux acteurs forts de l'époque le tout sur des dialogues de Michel Audiard .... c'est assez attirant il faut le reconnaître. Et ça réussit bien, très bien même.

Quentin, un ancien marin alcoolique n'étant jamais vraiment revenu d'Asie dans sa tête, promet à sa femme que s'ils échappent à la guerre, il ne touchera plus jamais à une seule bouteille... Il tient promesse. Puis quinze ans plus tard, un étranger arrive dans la calme maison-hôte de Quentin, d'au moins une vingtaine d'années plus jeune. Celui-ci a des problèmes, avec sa femme et sa fille et les oublie dans la boisson, en voyageant l'espace d'une nuit dans une douce rêverie qui le conduit jusqu'en Espagne. Très vite les deux hommes vont se lier d'amitié ... pour la plus grande crainte de la femme de Quentin.

C'est avec une grande délicatesse que Verneuil traite un sujet assez sensible, même si à l'époque les "beuveries" n'étaient pas aussi mal perçues qu'aujourd'hui et renforçaient l'image d'homme viril et voire de "dur à cuire". Oscillant entre la comédie dramatique et la comédie légère, Verneuil réussit un pari assez osé en ne tombant jamais dans des scènes exagérément tristes, et en apportant une touche d'humour égayant l'histoire et la rendant parfois même assez jouissive.
Ensuite le tandem Belmondo-Gabin fonctionne parfaitement. Le vieil homme abusé, fatigué, n'attend que le grain de folie qui le changerait de son quotidien morne d'homme sobre. La rencontre du vieux Quentin avec le jeune perdu Gabriel Fouquet va être une vraie explosion, une vraie révélation. Quentin s'était rangé, pour le bien de sa femme mais ne vivait plus, à l'image d'ailleurs de toute la paisible ville de Normandie endormie et Gabriel va par, son aisance, sa sympathie et son caractère fort, faire évoluer malgré lui les choses le temps d'un week-end. ( Le rôle de Gabin est assez ambigu, il est ami et parfois a même une relation père-fils avec ce nouvel arrivant, ce dernier s'amusant à lui dire "papa". Il conseille et le dirige, et le remet dans le droit chemin). Gabriel est le fils que Albert Quentin et Suzanne n'ont jamais eu. Elle retrouve elle aussi la joie de vivre à la présence de Gabriel, qu'elle a portant chercher à repousser du vieux Quentin pour ne pas qu'il l'influence.

La récré qu'attendait le vieil homme sonne, Gabriel et Quentin sont prêts à faire les 400 coups, le temps d'une bouteille, de plusieurs bouteilles, d'un feu d'artifice, d'une rencontre avec un vieil homme fou. C'est donc une soirée de folie, certainement la plus heureuse des deux protagonistes et peut-être des habitants chez qui il y a enfin de l'activité, le village est réveillé en un week-end. Le rythme assez lent du film est brisé par cette "tempête" qui emporte avec elle le vieux marin resté à quai depuis trop longtemps et le jeune Gabriel aux commandes du navire.

Enfin la dernière scène, (spoil ) sur le quai de gare est magnifiquement mise en scène, le choix de la musique est parfait, et donne un terme à l'excentricité de la veille. Le vieil homme reste assis sur un banc attendant sa correspondance pour une ville normande. Il ne se tourne pas vers Gabriel et sa fille, il accepte son destin, le cœur emplit de bons souvenirs tandis que le père et l'enfant continuent leur route vers leur destinée. Peut-être un peu exagérée, la scène finale renoue avec la tranquillité du début de l'histoire, juste avant l'arrivée de Gabriel. La douce folie de la veille prend une tournure tragique, la comédie légère devient une comédie dramatique, les personnages reprennent leur vie habituelle, comme si de rien n'était, comme si le "rêve" était fini et la fin tombe comme un dur retour à la réalité.

C'est donc sur une note assez nostalgique et maussade que se termine l'histoire, tel un triste lendemain de fête.
mistigri
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le 3 nov. 2010

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mistigri

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