Film noir solide irradié par le charisme rageur de Lino Ventura, une témoin dans la ville est un requiem nocturne hommage aux taxis de nuit parisiens, témoins silencieux de ce qui se trame dans la ville de l'amour quand les habitants ont éteint la lumière pour aller dormir.


Le script est épuré au maximum : l'impitoyable mais hésitant Ventura est bien décidé à se venger du tueur de sa femme en déroulant méthodiquement un crime qui aurait pu être parfait si un témoin gênant n'avait pas décidé d'assister avec intérêt à la fuite de son auteur. Dès lors s'activent les remords d'un homme honnête mais dévasté par la perte de sa femme, qui se retrouve dans un univers qui n'est pas le sien. Un témoin dans la ville repose entièrement sur les états d'esprit du personnage. Sur de lui alors qu'il met en route sa vengeance, de manière froide et implacable, avec une rigueur qui laisse entendre un bon moment de préparation. Fébrile et hésitant lorsqu'il se retrouve au pied du mur, pris de court par les événements, la précision chirurgicale des ses premiers gestes n'est plus qu'un ancien souvenir. Une descente en puissance qui permet au spectateur de se projeter : on a beau jouer les caïds après trois cognacs, occire du bonhomme ne doit pas être une mince affaire.


Ce qui fait également la force d'Un témoin dans la ville c'est la mise en lumière du monde des taxis de nuit parisiens, d'une fratrie où règne une ambiance bon enfant, plutôt légère, en parfaite opposition avec la quête mortuaire entreprise par le premier personnage. Pour ne rien gâcher, filmer des bagnoles quand le soleil est tombé permet à Henri Decaë de composer de superbes ambiances nocturnes où les clairs obscurs se plaisent à jouer avec notre perception des choses. Heureusement que la photographie est soignée d'ailleurs, parce que le film souffre d'un bref ventre mou, pas forcément hyper emballant, entre les séquences motrices de l'histoire.


Un très chouette film noir donc, conclu avec panache par la résonance glaciale d'une hache heurtant son réceptacle de bois quand le destin remet les pendules à l'heure, de manière radicale, vous laissant généreusement le générique final pour vous remettre et passer à autre chose.

oso
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le 10 juil. 2016

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