"Un week-end à Paris" n'est pas un film sympa comme pourrait le laisser supposer son titre. Dans la vérité de son ventre se cachent des troubles bilieux, des émotions plutôt violentes à qui connait les joies et les peurs du couple.

Le scénario de Hanif Kureishi nous invite à observer la relation compliquée de Meg et Nick, deux quinquas (ou sexas) débarquant à Paris le temps d'un week-end pour fêter leurs 30 ans de mariage. Issus de la génération soixthuitarde anglaise, les deux petits vieux forment un couple difficile à apprivoiser pour le spectateur.

Putain, 30 ans, ça doit être compliqué quand on ne se dit pas tout! Tout dire, c'est prendre le risque de faire mal, de casser des trucs auxquels on tient. Mais c'est aussi la certitude de ne pas laisser fermenter ce qui peut pourrir une relation. S'ils se sont aimés, s'ils s'aiment encore, on comprend vite qu'il y a quelque chose de pourri en leur royaume intime. La violence avec laquelle Meg (Lindsay Duncan) s'adresse parfois à son mari (Jim Broadbent) est stupéfiante. Il a beau user de cette arme britannique ancestrale qu'est l'humour, il encaisse du lourd, avec douleur.

J'aime beaucoup la manière qu'a le film de décrire cette histoire de couple, pas uniquement ses problèmes de fric, mais également leur situation vis à vis des enfants qui sont devenus grands, qui sont partis, qui reviendraient bien pourtant faute de moyens, leur passé aussi qu'on sent toujours présent, en coulisse, qui les attache. Y a-t-il meilleur ciment que le souvenir?

Leur côté anar de gauche, revendiqué, les place dans une position rock'n roll, libre malgré tout. Intellectuellement, politiquement, ils sont en effet libres. C'est bien leur part d'intime qui semble peser, les retenir.

Lors de ce week-end à Paris, ce qui n'était plus vraiment sûr fait exploser le couple en vol. Le fait de se retrouver seuls, face à eux-même, va déclencher une sorte d'éruption sentimentale. Chaud devant, ça brûle! La poussière sous le tapis les fait éternuer, méchamment.

Mais ce voyage (qui en devient presque initiatique du coup), après 30 ans de mariage, a quelque chose de très beau. En tant que relativement jeune époux, je me suis beaucoup plus identifié au bonhomme, évidemment. J'ai même été bien remué par sa dérive et son discours final en climax pitoyable m'a bien entendu cueilli.

Les deux comédiens sont très bons. La venue du trublion lunaire en même temps qu'un peu pédant Morgan (Jeff Goldblum) est amusante, mais bien sûr ce sont les deux anglais qui tiennent le film à bout de bras.

Cette petite production n'a finalement pas grand chose d'une comédie romantique comme elle a pu être vendue dans les médias. Ou alors elle propose d'en alterner le type, le rendant foutrement virulent! Pleine de heurts, de remises en question, le gouffre de la séparation et du désespoir me semble le point d'ancrage de tout le scénario. Le grand vide est présent tout le long du film alors qu'une comédie romantique, à mon sens, repose sur l'espoir du bonheur amoureux.

Non qu'il y ait une infaillibilité de l'échec ici, mais la relation prend des tours quelques fois si agressifs, le fossé paraissant de plus en plus creusé entre les deux êtres, que cela a tout l'air d'être mal barré pour le mari, toujours amoureux et plein de désir pour cette femme qui éprouve une lassitude si forte qu'un dégoût certain finit d'épuiser les miettes d'amour qui lui restent.

En tous les cas, c'est le sentiment que j'ai eu de leur relation. Rarement, j'ai pu ressentir une véritable légèreté de ton. Au contraire, j'ai trouvé le récit très triste, en dépit de tous les efforts entrepris pour parer le film de moments plus ou moins comiques (les bons mots ou le comportement décalé des personnages).

A la sortie de l'Utopia, je suis heureux d'avoir vu ce film. Sa belle tenue, son propos pas con, ses bons acteurs m'ont fait passer quelques minutes d'agréable cinoche.
Alligator
7
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le 17 mars 2014

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