S'il demeurait des doutes quant à la créativité délirante des frères Safdie, Uncut Gems vient les balayer de sa voix bavante et nasillarde accompagnée des insultes les plus offensantes, comme en serait capable le protagoniste du film, Howard Ratner, campé par un Adam Sandler toujours aussi looser et attachant que dans Punch-Drunk Love, quoique dans un registre diamétralement opposé.


A l'instar de Good Time, leur précédent long-métrage qu'il faut absolument voir si ce n'est déjà fait, le scénario s'emballe très vite, donne lieu à des rebondissements constants, ne faiblit que très rarement, maintenant toujours le spectateur en haleine, celui-ci se trouvant malgré lui emporté dans une inarrêtable spirale dont il ne discerne jamais la fin. Cette spirale, c'est le cercle vicieux dans lequel s'empêtre Howard, bijoutier Juif Américain new-yorkais, fan de basket, commerçant attitré de Kevin Garnett (en personne s'il vous plaît), détenteur d'une pierre magique qui deviendra celle de la discorde, piètre gestionnaire de son argent, joueur compulsif et inconscient, mari en voie de divorce, flanqué d'une amante aux mœurs légères mais terriblement excitante, homme vulgaire dans toutes les situations, incurable looser endetté jusqu'au cou, aimant les prises de risque même les plus suicidaires.


Cependant, si le scénario de Uncut Gems demeure en terme de qualité aussi proche de Good Time avec cette inexorable et frénétique descente aux enfers, l'esthétique (la bande-son principalement, mais pas seulement), elle, se révèle hélas bien moins soignée que dans ce dernier qui, bien plus sensoriel, élaboré, magnétique, nous a beaucoup plus séduit. Uncut Gems perd donc incontestablement face à son aîné, bien qu'il prenne vraiment aux tripes, du début jusqu'à la fin, au moyen de ressorts dramatiques très américains certes (sexe, violence, argent, etc) mais sans jamais faire dans le cliché – bien au contraire.


Au final, une plongée troublante et fascinante à la fois parmi les maux d'une Amérique aveuglée par l'argent, prise dans l'engrenage du capitalisme effréné, dont Howard incarne l'inévitable chute comme dans un cauchemar éveillé.

Marlon_B
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le 14 janv. 2020

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