Uncut Gems par Multipla_Zürn

C'est un film sur la jouissance. Il y a dans l'agitation qui nous est donnée à voir (chaque scène est court-circuitée par une autre, le récit se construisant par vagues successives plutôt que par tranches, ce qui est très grisant) un désir de se maintenir à un certain niveau d'excitation sexuelle.
C'est aussi un film sur l'argent, qui montre que posséder est un des aspects du plaisir de l'argent, mais qu'il en existe un autre, antithétique, celui de le jouer, de le dépenser, voire de le perdre (ce qui à la fois compromet et aiguise la jouissance). Tout le récit est organisé autour d'une dialectique finalement très bataillienne : avoir/perdre.
La partie new-yorkaise d'Uncut gems s'ouvre d'ailleurs sur une coloscopie : rien n'est bouché, tout circule. Le personnage est tout-ouvert : ce n'est pas un usurier, pas non plus un simple dépensier, mais un joueur, c'est-à-dire un homme qui refuse que le plaisir finisse et pourtant se tient toujours au bord de la catastrophe. En fait on assiste à une sorte de montée de kundalini américaine.

La fin m'a semblé un peu ratée - mais comment finir un film animé précisément par un principe d'infini ?
Et l'ensemble m'a paru un peu long - dilaté ? C'est-à-dire qu'il n'y a pas suffisamment de variations pour qu'on ne soit pas épuisé avant le personnage. Par exemple j'aime beaucoup le moment où il sort les poubelles, c'est trivial, ça ne mène à rien, ça ne fait pas avancer l'intrigue, mais justement voir cet homme traîner des poubelles jusqu'à la lisière de son territoire a quelque chose de drôle, de doux et d'apaisant, que le film par ailleurs ménage peu ou manque d'orchestrer. C'est d'ailleurs la seule scène qui finisse réellement sur un cut. Les autres restent uncut (ou donnent cette sensation). Un peu de contraste n'aurait pas fait de mal. Et ce n'est pas un hasard si Good time, qui était si réussi, faisait 1h30 : les Safdie n'ont peut-être pas encore la subtilité nécessaire pour tenir deux heures.