Après le succès It Follows, David Robert Mitchell revient au Festival de Cannes, en sélection officielle, avec son polar noir et psychédélique Under the Silver Lake. Un film qui revisite le mythe de Los Angeles dans une quête existentielle labyrinthique. David Robert Mitchell est un caméléon. Un peu comme Nicolas Winding Refn, il fait partie de ces nouvelles têtes d’affiche qui ingurgitent un maximum d’influences cinématographiques pour mieux les éviscérer et s’en amuser sur la pellicule.


Après sa parenté flagrante avec les codes horrifiques de Carpenter dans It Follows, c’est autour du polar néo noir et d’Hitchcock de passer à la moulinette du réalisateur américain. Under the Silver Lake est un patchwork assez improbable entre le Vertigo d’Hitchcock, Inherent Vice de Paul Thomas Anderson et une plâtrée de références à la pop culture aussi anachroniques qu’intemporelles. Dans un Los Angeles baroque, bariolé mais aussi souterrain, le cinéaste infuse sa propre mécanique, un peu longue certes mais très libre dans sa propension à prendre son temps, à observer son personnage principal, Sam, suivre les traces de sa voisine disparue.


On ne sait pas ce que Sam fait à Los Angeles ni quel est son travail, ni quel est son passé, mais il passe le plus clair de son temps à se masturber, à jouer à la console, et à chercher des messages codés dans de vieilles cassettes vidéos et dans des paquets de céréales. Il passe de femmes en femmes, et est un glandeur maladif : cette enquête va permettre de le remodeler au monde réel, de le séparer de son monde imaginaire et libidineux.


Los Angeles a souvent été le théâtre de films narrant sa superficialité ou sa vacuité, comme Mulholland Drive, et Under the Silver Lake fait partie de cette catégorie-là tout en y mettant une petite touche d’originalité.Conjugaison de la névrose même d’un homme gangréné par les images véhiculées par la société ou même les publicités, et d’une ville d’anges déchus dénudés faite de soirées luxueuses ou de symboliques complotistes, Under the Silver Lake est un objet hybride, entre le vieil Hollywood des 50’s et l’ambiance hippie 70’s, qui évite les écueils de la redondance, malgré sa monotonie et son manque de scène de bravoure assez flagrant, et épouse les courbes d’une ambiance aussi inquiétante que vaporeuse.


Au-delà d’une mise en scène léchée, maîtrisée dont le sens du cadre et de la couleur n’est plus à prouver, le film éblouit par la digestion de toutes ses influences, pour au final, proposer une œuvre rafraîchissante et pulp sur le pouvoir de la pop culture : un lieu où chaque chose a un sens et chaque signe une symbolique bien particulière qui nous conduirait à être ou ne pas être ce que nous sommes.


C’est plutôt simple comme parti-pris, mais au travers de cette gestuelle narrative qui permet au récit d’avancer à coup d’énigmes réussies, Under The Silver Lake se laisse visiter avec le plus grand des plaisirs et écrit les premières lettres de l’émancipation d’un personnage aux allures adolescentes. Le film devenant pour ainsi dire, un monde qui dissimule les non-dits d’une ville aux ailes sataniques et suicidaires, et l’espace mental d’un homme égoïste et inconséquent.


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Velvetman
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le 7 août 2018

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