Il en agacera plus d'un(e) et il le sait... Comme It follows qui citait ouvertement Jacques Tourneur, Under the Silver Lake fait dans le clin d’œil appuyé à Hitchcock et Lynch. Les fondus enchaînés affluent et la musique symphonique rappelle celle de l'âge d'or du cinéma Hollywoodien. David Robert Mitchell en est seulement à son troisième film mais n'hésite pas à vouloir entrer dans la cour des « Grands »... en pyjama. Et hommages mis à part, le film est également très ambitieux dans ses thèmes.
Under the Silver Lake est plusieurs films en un. On est autant dans le voyage initiatique que dans un thriller farfelu, ou la satyre d'Hollywood... Le film est sans cesse déroutant, à l'image de son protagoniste libidineux et sans gène. Ce qui nous attachera à ce personnage finalement, ça sera la poisse qui le suit (comme son odeur nauséabonde) et l'interprétation inspirée qu'offre Andrew Garfield. L'acteur arrive à nous intégrer dans sa folle quête et nous fait souvent rire. On pourra regretter en revanche que l'émotion ne soit pas toujours au rendez-vous, principalement à cause de cette histoire d'amour trop superficielle. On se rend bien compte qu'à l'exception du dessinateur de fanzines, tous les personnages qui gravitent autour de Sam sont finalement distants de lui et l'abandonnent d'une façon ou d'une autre. Il aurait fallu que cette Sarah qu'il recherche n'ait pas l'air inaccessible comme eux, qu'on ait vraiment l'impression que quelque chose d'unique est en train de se passer entre Sam et elle lors de leur rencontre. Au lieu de ça il se retrouve face à un sex-symbol hollywoodien au chien nommé « Coca-Cola »... Dès le début ça sent la conquête perdue d'avance.
Et ça ne rate pas. En choisissant les « tombeaux égyptiens » plutôt que l'amour véritable, Sarah réalise qu'elle est devenue un être déconnecté de la réalité à un point tel qu'elle en est privée de son libre-arbitre. Cette fin aurait été plus dure s'il y avait eu à la base un peu d'espoir pour elle.
Malgré ce bémol, on veut savoir ou le film va nous emmener. On traverse ce Los Angeles loufoque, hypnotisés par son ambiance glamour/à vomir. Les plus grosses soirées de la ville transpirent l’hypocrisie et Mitchell nous fait ressentir la solitude terrible de Sam au milieu de tous ces individus qui essaient d'exister. Eux-mêmes sont d'ailleurs écrasés par les fantômes omniprésents de Hitchcock, James Dean et autres Grace Kelly.
Avec un recul sur ce qui détermine ce qu'est la pop culture et sa déconstruction (par l'humour), Under the Silver Lake nous rappelle quelque part Ready Player One. Ici, on apprend qu'un compositeur a écrit l'ensemble des films, tubes pop... pour servir les intérêts de l'élite de la société en y distillant des messages cachés. Même Sam, qui est plutôt en marge de la société, je-m'en-foutiste et parfois même violent, découvre avec horreur que son idole Kurt Cobain est créé de toute pièce par « la société ». Après avoir éliminé cette menace, on le verra ne plus se soucier de son apparence, il arborera un t-shirt blanc ou se baladera en pyjama dans les soirées hollywoodiennes les plus hypes. Son obsession pour le sexe, encouragée par les médias sera également mise à mal lorsqu'il verra son amie mourir dans une position semblable à celle de la première playmate de ses fantasmes.
Enfin, on apprendra que les personnages qui ont les clés de la ville sont les parias, les clochards, tandis que tous les regards sont tournés vers un tueur de chiens qui ne sert que de diversion.
Alors c'est clairement tiré par les cheveux, on a souvent l'impression que Mitchell se fout de nous en multipliant les élucubrations (on a pas parlé de la femme chouette!), mais au moins il le fait avec beaucoup d'humour. En s'amusant notamment du conspirationnisme youtubesque pour dérouler son histoire, Mitchell réussi à représenter une jeunesse complexée, en quête de croyance, d'identité et d'amour...