Si l’on devait différencier Under the Silver Lake de Mulholland Drive – mêmes thématiques abordées, même goût pour le mystère –, l’accent serait porté sur la bouffonnerie généralisée du premier, pleinement assumée par une introduction mettant en scène un rongeur heureux d’agoniser. Satire virulente de la société hollywoodienne allégorisée en religion sectaire changeant ses pratiquants en dieux et ses consommateurs en masse puante, lutte de vie et de mort entre une chouette nocturne et un putois, armistice incarnée par le coyote qui montre le chemin tel un Virgile guide de Dante, le film a l’audace de mêler l’au-delà et l’en deçà par un titre sans cesse répété à l’opacité finalement dispersée à mesure que les démiurges s’enterrent telles des divinités pour un jour espérer être exhumées et louées. C’est tout un monde qui prend vie sous nos yeux et fait sens, tout un culte que nous, spectateurs, alimentons à chaque visionnage, que cette critique nourrit d’ailleurs ; le Compositeur a engendré les thèmes qui nous animent sans pour autant penser à nous, se moque de son public, réfugié dans sa tour d’ivoire loin de tous les regards. Hollywood élevé au rang de dieu de pacotille pourtant tout-puissant qui offre à ses hôtes la vie éternelle, aux élus la visibilité de ses sentiers pleins de gloire et de perdition – le fameux bracelet transmis –, transformé par David Robert Mitchell en thriller hypnotisant et halluciné : on aime ! Tout se renverse, les déjections christiques deviennent dorées, les compagnes de Jesus les épouses de Dracula dans un brouillage général, vaste code, incompréhensible langage d'un perroquet loquace. Malgré quelques longueurs et un goût somme toute appuyé pour l’autosatisfaction des mystères mis en scène, Under the Silver Lake nous embarque dans une descente aux Enfers ou une montée en Extase (les deux chemins se croisent) génialement réalisées et brillamment interprétées ; rien n’est plus délicieux que de se perdre en si bonne compagnie, de tenter tant bien que mal de déchiffrer la conspiration, de décoder les codes d’une pop culture réinsérant le ludique dans le monde adulte, changeant l’homme en explorateur, en rêveur affamé. Superbe.