Réalisateur très présent dans le milieu du clip et de la publicité, mais rare au cinéma, Jonathan Glazer revenait en 2013 avec Under the Skin, d'après le roman de Michel Faber, quasiment dix ans après son dernier long-métrage, Birth.


Oeuvre atypique et inconfortable, proche de l'abstraction, Under the Skin prend le pari de perdre son spectateur dès les premières minutes, de naviguer aux confins de plusieurs genres, passant d'une approche intimiste et sans fard, proche du cinéma-vérité, pour bifurquer quelques instants vers tout autre chose. A une captation rêche, comme prise sur le vif, va ainsi se superposer une poignée d'expérimentations absolument bluffantes, qu'il est malheureusement de plus en plus rare de goûter sur un écran géant.


Se réappropriant totalement le livre de Michel Faber, Jonathan Glazer et son scénariste Walter Campbell effectuent ici un travail d'adaptation pertinent et cohérent, transformant un matériau purement littéraire en expérience intégralement sensorielle. Là où le lecteur était prisonnier du corps d'emprunt et de l'esprit troublé de son héroïne, comprenant rapidement la situation, le spectateur, au contraire, se voit privé de ses mêmes données et contraint à un minimum d'effort et d'attention pour saisir toutes les clés de cette quête mystérieuse.


De pratiquement tous les plans, se sortant admirablement d'un rôle casse-gueule, Scarlett Johansson fait preuve d'une implication exemplaire, apportant même, par le biais de son statut de sex-symbol, une toute autre dimension au film, se livrant sans fard et sans artifice à un public aussi avide que les victimes masculines de l'héroïne.


Substituant aux mots le son et l'image pour illustrer un regard à la fois critique et curieux sur l'être humain, entraînant son audience dans un dédale de formes et de notes aussi abstraites que fascinantes, Under the Skin est un OFNI extrêmement particulier, peu accessible et dont l'apparente froideur pourra rebuter, mais d'une beauté formelle tout simplement ahurissante et conservant vaille que vaille tout son mystère.

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le 28 oct. 2016

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Gand-Alf

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