Une musique puissante se fait entendre. Allemagne, 1912. Le jeune Friederich Zeitz visite pour la première fois l'usine de sidérurgie de Karl Hoffmeister, son nouveau patron. Employé de bureau sérieux et assidu, il se fait très vite remarquer par Her Hoffmeister. Ce dernier souffrant d'une grave maladie se voit obligé de rester chez lui. Il décide alors de nommer Friederich secrétaire particulier afin de continuer à gérer l'activité de son usine.


Patrice Leconte (Ridicule, 1996 ; Le Magasin des Suicides, 2012) signe ici une très belle adaptation de la nouvelle de Stephan Zweig Le Voyage dans le passé, d'après un scénario co-écrit avec Jérôme Tonnerre (Un cœur en hiver, 1992 ; Le Bossu, 1997 ; Belphégor, le fantôme du Louvre, 2001) avec qui il avait déjà travaillé pour Confidences trop intimes (2003) ou Mon meilleur ami (2003). Souhaitant au départ tourner ce film en Allemagne dans le but de conserver « le caractère fort et allemand de Zweig », il fit finalement le choix de travailler avec des acteurs anglais, maîtrisant mieux cette langue. Choix qui porte ses fruits. Richard Madden arrive ici à se défaire de l'image de Robb Strak et se montrer sous un nouveau jour dans le rôle d'un amant timide. Rebecca Hall y est noble et très attachante et Alan Rickman incarne quant à lui d'une façon poignante un personnage proche de celui du Colonel Brandon mais ici dépossédé de sa tendre Marianne.


Tandis que Friederich, d'origine modeste, se retrouve plongé dans la luxueuse demeure des Hoffmeister, il fait la connaissance de Charlotte, la femme de son patron, dont il ne tarde pas à s'éprendre. Peu à peu, il trouve ses repères, aidant à la fois le père, le fils, Otto, et prenant presque la place du chef de famille auprès de ce dernier et son aimée. Alors qu'il croit sa passion non partagée, Karl Hoffmeister lui demande de partir au Mexique, superviser l’extraction d'un minerais essentiel au développement de l'usine. À l'annonce de ce départ entraînant une séparation de deux ans, Charlotte dévoile malgré elle ses sentiments à Friederich et lui fait la promesse qu'à son retour, elle sera à lui.


Visuellement parlant, décors et costumes sont à la fois simples et magnifiques ; décors dans lesquels les sentiments s'expriment dans les gestes et silences plutôt que dans des dialogues lyriques accompagnés de violons. Aussi, malgré les nombreux détails ajoutés aux personnages, Patrice Leconte réalise avec ce film la promesse d'une adaptation réussie : l'on peut en effet n'avoir que lu ou vu l'une de ces deux œuvres, elles sont complémentaires l'une à l'autre. Leconte élargit les horizons de la nouvelle de Zweig : les personnages sont approfondis, nommés, ajoutés ; tandis que nous accompagnons Ludwig au Mexique (ou Louis) dans la nouvelle, nous restons en Allemagne avec Karl, Charlotte et Otto dans le film, personnages qui ne sont d'ailleurs pas nommés dans le livre. Enfin, le réalisateur nous laisse découvrir deux amours : l'un est Éros, pure passion, l'autre est Philia ou Agapée, qui sait lâcher prise sur l'autre lorsque ce dernier s'en va. L'on est alors touché par tel ou tel personnage, par l'un ou l'autre couple, étant de plus plongé dans l'histoire comme un personnage invisible, presque omniscient de par les recadrages timides reflétant les émotions des protagonistes et nous donnant la sensation d'être là, œil rivé à la caméra.


En somme, un film dramatique mais très poétique, qui sait nous toucher par la timide sensibilité qu'il dégage.


Laure Moulin

Laure_Moulin
7
Écrit par

Créée

le 18 déc. 2015

Critique lue 192 fois

Laure Moulin

Écrit par

Critique lue 192 fois

D'autres avis sur Une Promesse

Une Promesse
pilyen
5

Le corset est trop bien fermé !

Adapté d'une nouvelle de Stefan Zweig, le film nous plonge en 1912 dans l'univers très compassé d'un riche industriel vieillissant, de sa jeune épouse et de leur jeune enfant. De santé fragile, le...

le 17 avr. 2014

6 j'aime

2

Une Promesse
Selenie
7

Critique de Une Promesse par Selenie

Après une incursion réussie dans l'animation avec "Le Magasin des suicides" (2012) voici le retour de Patrice Leconte qu'on avait un peu perdue depuis le magnifique voyage sensoriel "Dogora" (2004)...

le 17 avr. 2014

5 j'aime

3

Une Promesse
Cinemaniaque
3

Critique de Une Promesse par Cinemaniaque

J'ai une certaine tendresse pour Patrice Leconte qui, s'il n'est pas un réalisateur inestimable, a le mérite d'être sincère, de tenter de faire les meilleurs divertissements possibles et n'a guère de...

le 17 août 2014

4 j'aime

1

Du même critique

Une Promesse
Laure_Moulin
7

Critique de Une Promesse par Laure Moulin

Une musique puissante se fait entendre. Allemagne, 1912. Le jeune Friederich Zeitz visite pour la première fois l'usine de sidérurgie de Karl Hoffmeister, son nouveau patron. Employé de bureau...

le 18 déc. 2015