La Douce nuance entre la sous-exploitation et la surexploitation

"Je m'appelle John Lee Hancock. Autrefois brillant scénariste et metteur en scène conventionnel, je n'ai malheureusement aucune identité, du coup je m'inspire, je pioche ici et là ; ne me prenez quand même pas pour un tâcheron, je ne suis pas Paul W.S. Anderson quand même ! Blague à part, j'ai écrit un script au début des années 90 mais personne n'en voulait. Trop sombre, trop cryptique, trop en avance sur son temps, que sais-je. J'ai donc finalement sorti ce vieux script du tiroir et l'ai moi-même mis en scène.

Je ne sais pas si quelqu'un s'est amusé à lire mon histoire entre temps, parce qu'il y a quand même pas mal de similitudes avec Seven, Zodiac ou plus récemment la série "True Detective". Quoiqu'il en soit, mon histoire se porte sur deux flics que tout oppose, l'un est un vieux briscard traumatisé par une enquête non résolue, l'autre un brillant arriviste, qui vont tout deux se mettre sur la piste d'un tueur en série dont le modus operandi ressemble beaucoup à celui des meurtres enquêtés par notre vieux flic. Une histoire sombre, avec son lot de fausses pistes, de moments sous tension, de réflexions sur la bassesse humaine.

Je le répète, j'ai été un brillant scénariste, principalement pour d'autres brillants réalisateurs, chose que je ne suis, en toute humilité, pas. J'ai donc repris la méthode Fincher, avec une mise en scène froide, sobre, des plans léchés avec de jolis travelings, une photographie éclatante. J'emprunte aussi à Fukunaga et Andrew Dominik, histoire de pas prendre de risques. Je m'entoure également de Denzel Washington, même s'il n'a rien fait de bon depuis presque quinze ans (un de plus, un de moins), de Rami Malek, vu qu'il s'est quand même payé un Oscar, et de Jared Leto, un vrai caméléon qui peut encore se la jouer bad guy atypique sous du maquillage pour casser une image qu'il n'a plus depuis longtemps.

Le rythme, la cohésion d'ensemble, le maintien du mystère, la gestion de l'atmosphère, je m'en fiche un peu, j'ai d'ailleurs un peu de mal à mettre en boite tous ces éléments. Je sais où je vais mais je ne sais pas trop comment y parvenir. Avec du recul, je pense que j'avais une bonne histoire mais un mauvais script. Même si mes thématiques sont intéressantes et que j'ai un bon twist, j'aurai peut-être du faire comme mes personnages : enterrer cette histoire peut-être originale il y a 25 ans mais depuis assez rabâchée sous toutes ses formes, c'est vrai. Et en fin de parcours, un de mes personnages s'adresse directement à moi : « Tu es insignifiant, tu ne vaux rien. Et ça continuera, encore et encore. » "

JLH.