mai 2011:

Claude Chabrol a mis son humour caustique dans le placard. L'affaire qu'il entend narrer ici ne le porte pas facilement à la risette. Elle est sérieuse et sa mise en scène devient de plus en plus grave au fur et à mesure que le personnage joué par Isabelle Huppert descend de son petit nuage sur la fin.

Elle incarne une jeune femme insatisfaite, dont l'appétit pécuniaire n'a de paire que l'immaturité confondante dans laquelle elle patauge inconsciente. Il y a du Emma Bovary chez elle. Depuis toute petite fille, elle rêve de devenir chanteuse. Avec sa copine Rachel elle danse et boit au café jusqu'au couvre-feu. Quand Rachel est envoyée en Allemagne, elle veut croire mordicus qu'elle reviendra. C'est la guerre, et son homme est au STO. Sa vie ne lui plait pas évidemment : elle est pauvre et toujours pas chanteuse.

Un concours de circonstances va l'amener à devenir avorteuse. Elle s'enrichit, continue de s'encanailler malgré le retour de son mari (François Cluzet). Elle prend même un amant collabo, tandis que son époux se désespère d'être un boulet sans travail, sans envergure, surtout sans amour. Dois-je continuer? Pas difficile de deviner l'issue, non? En effet, cela finit mal.

L'histoire est tirée du témoignage du grand avocat Francis Szpiner, fils de cette femme guillotinée par la justice du Régime de Vichy qui faisait bien peu de cas de la condition féminine.

Le film est à la fois une peinture du bovarysme mais dénonce également l'absence de considération dont peuvent faire l'objet les femmes par une société encore aujourd'hui phallocrate.

Partant d'un cas aussi extrême, on aurait pu espérer que Chabrol proposât un traitement plus convaincant et fît preuve d'un peu plus de finesse. Parfois la charge en effet parait trop élevée. Quoiqu'il en soit, le film semble tellement différent des autres œuvres de Chabrol que l'on peut être étonné d'abord pour finir par nourrir un certain désappointement.

Heureusement Isabelle Huppert et François Cluzet sont très bons. Mais cela ne me suffit pas.

Je suis gêné par le récit, par un je-ne-sais-quoi qui m'enquiquine dans cette histoire. Peut-être cette fin si éloignée bien sûr de l'atmosphère dans laquelle Huppert baigne tout le reste du film? Non, en fait, je n'arrive pas à savoir quel part ce film appartient réellement à Claude Chabrol. Je suis comme égaré. Je n'aime pas cette sensation.
Alligator
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le 19 avr. 2013

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