Qui pensait que le générique se déroulant en profondeur était une invention de Star Wars ? En 1936, Cecil B. DeMille utilisait déjà cette technique pour son premier western parlant : Une aventure de Bufallo Bill. Une fois encore, traduction erronée : Bufallo Bill n’est qu’un personnage secondaire, le vrai héros étant Wild Bill Hickock. Mais ce personnage étant moins connu en occident, on a changé le titre (The Plainsman en VO). En tout cas, le procédé repris par Georges Lucas n’a pas changé de rôle : un générique épique sur une musique épique pour débuter un film épique.


La guerre de Sécession est terminée, et les Etats-Unis doivent se concentrer sur d’autres problèmes : comment donner une vie à tous les soldats qui se sont battus pour leur patrie. Oui, le film, encore une fois (ce n’est pas rare dans ces westerns et surtout chez DeMille), est assez patriotique. D’ailleurs il s’ouvre sur un hommage au courage des hommes du Far West. La solution proposée par Lincoln, alors président, est de les envoyer peupler l’Ouest. ‘’Notre pays, dit-il, est assez étendu pour que tout le monde puisse trouver un coin de terre pour vivre, travailler, et élever une famille’’. Et pour cela, il faut sécuriser les frontières. Pourtant, un conseiller moins scrupuleux que les autres décide pour gagner de l’argent, de vendre les stocks d’armes inutilisés aux Indiens.


On suit ensuite l’histoire de Wild Bill Hickock (Gary Cooper), de son ami Buffalo Bill et de son épouse, et de son propre amour Calamity Jane (Jean Arthur). Embarqués dans cette affaire de trafic d’armes, ils devront enquêter sur ce sujet et trouver les malfaiteurs pour rétablir la paix. On l’aura vite compris, Cecil B. DeMille ne s’embarrasse pas de concordance historique, mêlant les icones, condensant les évènements de plusieurs années sur quelques mois, et romançant les personnages (dans la réalité, Calamity Jane et Hickock n’ont jamais eu de romance, et Buffalo Bill, général Custer et lui n’étaient pas aussi ‘clean’).


Vu comme cela, l’intrigue est assez minimaliste, mais quelques éléments sortent de l’ordinaire. Ainsi les deux romances sont parfaitement maîtrisées, et apportent un réel charme à l’histoire. De plus, il est intéressant de noter que dans la relation Gary Cooper-Jean Arthur c’est lui qui tient le rôle d’objet de désir, et elle qui le harcèle. Si le couple formé par Buffalo Bill et sa femme apporte de la romance au film, celui de Hickock et Calamity Jane apporte de l’humour et donne un ton léger à l’œuvre, tout en restant très beau, surtout vers la fin. En outre, cette même fin est aussi à contrepied des clichés habituels. Loin du ‘poor lonesome cowboy’ qui s’éloigne avec Calamity Jane sur son cheval voulu par la Fox, Cecil B. DeMille nous offre une fin sombre qui casse déjà le mythe du héros du western. Par ailleurs, le film se déroule au crépuscule du Far West, alors que la civilisation prend le pas sur la culture ‘cow-boy’. ‘’L’Ouest devient change, dit Hickock vers la fin. Cody a fait le bon choix. Il s’est adapté. Quelle place reste-t-il pour un homme des plaines avec deux colts ?’’ On retrouve dans ce film une sorte de prélude à tous les films sur la fin du western, comme Il était une fois dans l’Ouest. C’est ce point d’ailleurs que je trouve le plus réussi dans le film, le passage d’une époque à l’autre, dans laquelle le héros incarné par Cooper devient désuet.


Sur cette histoire assez basique, DeMille mêle finalement avec talent une partie grand spectacle, avec des batailles épiques, et une partie plus intimiste entre Hickock et Calamity, centrée sur la fin d’un type de héros. Et 3 ans après, en effet, apparaîtra un nouveau héros, celui de John Wayne, dans La chevauchée fantastique (1939) de John Ford.

Fiddlebolt
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le 29 août 2015

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