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Une famille syrienne n’essaye pas de donner dans le tire larmes ou le pamphlet politique, encore moins dans le film de guerre, même si jusqu’à l’os il est marqué par le conflit.


On récapitule car le film ne le fera pas, ce n’est pas son but. En 2011 la vague des printemps arabe saisit la Syrie à laquelle son dictateur ne répond pas à moitié, rameutant toutes les forces vives du monde libre et tous les enragés de la région, ah et il y a Daesh dans le tas (le dessous des cartes vous m’appelez quand vous voulez). Un conflit qui s’enlise depuis plus longtemps qu’une guerre mondiale et dont on ne voit malheureusement pas le bout. À l’épicentre, la population qui n’a pas déserté (sur)vit entre le manque d’eau, les pillards, les bombardements et les coupures internet. C’est un peu comme Fenêtre sur cour mis à part qu’au lieu de te demander qui est le tueur, tu che


Un vieil homme s’en grille une à la fenêtre, le film commence pour s’arrêter 24h plus tard.


Minimaliste par son choix du huis clos et sa durée, il ne l’est pas dans son propos étendu au possible. Si ce n’est pour son titre, une famille Syrienne aurait pu se passer dans n’importe quel conflit aux quatre coins du monde, il m’a même plus tenu que le dernier film post apocalyptique sur lequel je m’étais attardé, reposant sur les mêmes principes de l’homme qui se fait loup pour l’homme et des tensions au sein d’une petite communauté séquestrée où les impératifs liés à la survie ne sont pas toujours ceux liés à la morale.


Le réalisme, le niveau de détails apportés à ce quotidien qui tente d’arriver à la normalité comme une marguerite sort du béton d’un trottoir, m’a vite fait comprendre pourquoi il est reparti d’Angoulême avec triple prix, mise en scène, public et meilleure(s) actrice(s) pour son duo de femmes fortes : Hiam Abbass, grande actrice et réalisatrice israélienne ici en matriarche à robe noire comme pour porter le deuil d’un pays. Un personnage au caractère en fer trempé, aussi dure que les événements touchant sa famille. Et Diamand Bou Abboud, plus jeune, presque plus ingénue si ce n’est que le film nous donne l’occasion de la voir rendre les coups, que l’on devine comme une version en devenir de son aînée à laquelle elle va s’opposer.


Son approche slice of life, tranche de vie, très ancrée dans le réel est une grande force, ce style de film est d’habitude l’apanage des comédies douces-amères aux feel good movies, autant dire qu’oser le mélange avec un contexte de conflit urbain détonne. Ce style pourtant pourrait aussi être la faiblesse d’une famille syrienne. En préférant se construire autour d’une situation que d’une histoire avec des enjeux pour chacun, on a l’impression que la moitié du casting n’évoluera pas au-delà d’un simple rôle de figuration et il manque une véritable conclusion. Elle y est pourtant, la guerre ne se résume pas dans les quinze dernières minutes d’un film d’action qui se résout quand musclor butte le dictateur local, mais elle dure, s’installe, n’offre pas de répit et chaque lever de soleil sur des ruines bombardées ressemble beaucoup à celui de la veille.


En recontextualisant ce qu’il y a derrière une brève dans le journal de 20h, une famille syrienne offre une expérience forte, allant dans le ressenti plutôt que dans la narration pure à travers de belles idées sur un message dur.

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le 7 sept. 2017

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