Pour mieux comprendre les vraies intentions de Raoul Walsh, il ne faudrait guère prendre en considération le titre français mais plutôt l'original They Drive By Night, littéralement, "ils roulent la nuit". Eux, ce sont d'honnêtes routiers, ici deux frères, et doivent travailler beaucoup pour peu d'argent, manquent clairement de sommeil et sont souvent éloignés de leur famille.


Dans une grande partie du film, Walsh dresse un portrait de ces gens-là, il met en scène deux frères qui bossent dans la région de San Francisco, ils ont du mal à payer leur créancier mais souhaitent toujours rester indépendants et donc ne pas se rattacher à une compagnie de transports. Walsh braque surtout sa caméra sur l'un d'eux qui va tomber amoureux d'une serveuse mais dans l'ensemble, il prend bien le soin, et le temps, de mettre en place une galerie de personnages, tout aussi intéressante, qui va graviter autour de lui.


L'histoire est plutôt bien écrite, tout comme les personnages et dialogues tandis que Walsh mêle plusieurs genres mais toujours avec une forte dimension sociale avant qu'une péripétie inattendue entraîne le film dans une direction diamétralement opposée. C'est malheureusement à partir de ce moment-là que le film perd un peu en intérêt et tombe dans quelques excès, Walsh a alors du mal à retranscrire et faire ressortir toute la dramaturgie et noirceur de son récit et des personnages.


Alors si c'est dommage, ce n'est pas non plus très préjudiciable, dans l'ensemble le film est réussi, on s'attache/intéresse aux personnages et enjeux tandis que Walsh impose du rythme et de la tension. C'est d'ailleurs par l'aspect social et la façon dont il le met en scène que They Drive by Night est réussi, certaines scènes sont assez marquantes, notamment lorsqu'il s'intéresse à la vraie vie de ses routiers.Finalement George Raft, qui ne semble pas toujours à son aise, se fait voler la vedette par les deux rôles féminins et plus particulièrement la belle Ida Lupido en femme fatale et dangereuse. Quant à Bogey, il apparaît bien trop en retrait (tout comme son personnage) et c'est vraiment dommage.


Un film social-noir imparfait mais intéressant à plus d'un titre. Malgré une deuxième partie qui s'éloigne de la dimension sociale et qui peine à retranscrire toute la noirceur et dramaturgie du récit, l'ensemble bénéficie de la maestria de Raoul Walsh qui donne du rythme, de l'intensité et de l'importance aux personnages et enjeux.

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le 8 mai 2015

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Docteur_Jivago

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