Le bel été russe pour cinéphiles se poursuit. Avant L'insensible et après Folle nuit russe et Factory, Une grande fille débarque, toute auréolé de son prix de la mise en scène à Un certain regard à Cannes. Tesnota était prometteur, le deuxième long-métrage de Kantemir Balagov fait plus que confirmer : Une grande fille est de ces films âpres et exigeants qui ne dévoilent qu'une partie de leur richesse à la première vision. On ne saurait comprendre le propos du réalisateur, si l'on n'a pas à l'esprit les 30 millions de morts côté soviétique pendant la seconde guerre mondiale et les 900 jours du siège de Leningrad. L'après-guerre est souvent plus difficile que le conflit lui-même tant il n'est plus question de "simplement" survivre mais de vivre à nouveau, avec un stress post-traumatique en sautoir. Comme dans Tesnota, Balagov a choisi de parler des femmes dans ce contexte, au milieu d'un hôpital, avec le thème central de la maternité, voulue ou non. Le film s'intitule Une grande fille mais ses deux héroïnes occupent une position presque égale, les personnages dits secondaires prenant également une place significative. L'une des forces du film est d'ailleurs son intelligence narrative avec un équilibre trouvé entre les destins et la psychologie mêlés des différents protagonistes. Mais Balagov, outre un talent de directeur d'acteurs (d'actrices) formidable impressionne surtout par sa mise en scène qui fait alterner dureté et douceur et s'exprime notamment par des travellings somptueux. En ce temps de paix retrouvé, avec la guerre dans toutes les têtes, Une grande fille ménage une poignée de moments d'anthologie comme les scènes d'euthanasie, de repas ou plus généralement entre les deux personnages principaux. Pour être honnête, les dialogues sont parfois un peu étirés et lancinants mais cela ne remet pas en question le sentiment que le film, avec son côté romanesque, est digne de la grande tradition russe qui va de Tchekhov à Dostoïevski en passant par Tolstoï.

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le 9 août 2019

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