Il n’y aura pas de révélation dans ce film, autant prévenir de suite. Le spectateur repartira également un peu frustré car trop d’éléments lui manqueront pour se faire sa propre opinion.
Car l’affaire de cette Suzanne Viguier mystérieusement disparue est très compliquée et d’autant plus embrouillée que la presse en a rajouté des tonnes.


A la fin du film la justice sortira grandie et la morale sera sauve. On peut certes voir le film comme un triomphe éclatant d’ Eric Dupont-Moretti dont je ne cache pas être un aficionado.
Mais le film aura aussi permis de mettre en évidence tous les dysfonctionnements qui peuvent entraver la bonne marche d’une enquête.


La plaidoirie finale de Dupont-Moretti (très bon Olivier Gourmet) va lister tous les coupables présumés de cette affaire tragique qui a quand même détruit la réputation d’un homme et placé sous les projecteurs durant dix ans les enfants et les parents de l’accusé, même s’il ne faut pas oublier Suzanne Viguier, toujours vivante il faut l’espérer.


En premier lieu le premier coupable est bien sûr l’accusé lui-même, le mari, qui s’est si mal défendu en ne disant rien qu’il est en partie responsable des dix ans de galère qu’il a vécus.


Le second coupable est le Tribunal qui a négligé d’écouter les centaines d’heures d’enregistrements téléphoniques à sa disposition et qui est passé ainsi à côté de données importantes.


Le troisième coupable est (comme souvent) la Police qui dès le départ s’est focalisée sur la culpabilité du mari malgré l’absence totale de preuves et n’a pas voulu aller chercher plus loin.


Le quatrième coupable est l’amant de la victime qui dans le film est particulièrement chargé. L’amant va manipuler en permanence un maximum de témoins et la Police pour les forcer à faire condamner le mari.


Le dernier coupable est le personnage fictif interprété par Marina Fois qui s’est donnée comme mission d’aider la justice pour faire acquitter le mari. Emmerdeuse, obsessionnelle, elle harcèle le pauvre Dupont-Moretti de nuit comme de jour pour lui faire part des moindres détails de sa propre enquête et ses propres intuitions. Marina Fois personnifie ce que veut dénoncer le film. L’intime conviction, l’ « intuition » féminine ou masculine, la trop grande imagination nuisent grandement à la recherche de la justice.


«L’imagination, cette superbe puissance ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer, pour montrer combien elle peut en toutes choses, a établi dans l’homme une seconde nature. Elle a ses heureux, ses malheureux, ses sains, ses malades, ses riches, ses pauvres. Elle fait croire, douter, nier la raison. » (c’est de Pascal)


Le personnage de Marina Fois permet à Nicolas Raimbaud d’éviter de tomber dans les pièges habituels du film de procès. L’affaire Viguier est complexe, les personnages et les points de vue sont nombreux, mais le thème de l’intime conviction « cette certitude qui n’est pas forcément confirmée par les faits » permet de maintenir la tenue des débats à un niveau élevé.

Zolo31
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le 6 févr. 2019

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