CONTRE L'industrialisation du handicap dans le cinéma Hollywoodien

Hollywood raffole des génies, on le sait et ce n’est pas chose nouvelle. On ne décompte plus les biopics larmoyants produits en masse (certains réussis d’ailleurs, d’autres beaucoup moins) qui viennent inonder nos écrans et se faire ostensiblement représenter lors de la grande messe Californienne des Oscars en février. Le film de James Marsh ne fait pas exception à cette règle, en nous narrant l’histoire, non pas du temps d’ailleurs, et encore moins merveilleuse, d’un homme, d’un jeune homme (cela touche plus lorsque ce sont des jeunes, voyez vous), brillant, chercheur en physique, et, bien entendu, atteint d’une maladie (dystropie neuromusculaire pour être exact) touchant son système nerveux et le réduisant au handicap.
Si la règle est simple, elle, à savoir : raconter l’histoire de Stephen Hawking, ses études, sa maladie, ses recherches ; la question qui sous-tend la genèse du projet est des plus complexes.


Cet homme aurait il fait l’objet d’un biopic (produit par Universal) s’il n’avait pas été handicapé ?


C’est là que réside toute la problématique de ce film ignoble, profondément abject, qui tout compte fait, ne s’attarde guère à évoquer en détail les théories de cet astrophysicien (qui ça intéresse, au fond ?) mais préfère répéter ad nauseam des scènes toutes plus embarrassantes les unes que les autres, où l’on y observe comment un homme, concrètement, devient handicapé, pour ne pas dire un légume. La première scène de ce type illustre une partie de Crockett, où le jeune Hawking, claudiquant, peine à mettre les balles en place et opère des gestes désarticulés de pantin ; le tout sous les yeux en larmes de son amoureuse, baignée dans une lumière sépia immonde, et bien sur, accompagnée d’une jolie musique - du piano, toujours du piano, et des violons - touchante. Et ce n’est pas fini !
Suivront une multitude de scènes de ce genre, où l’on y voit Hawking s’étouffer à table, se trainer dans les escaliers sous les yeux de son fils, lutter pour porter sa cuillère à sa bouche en plein repas, ou encore, rester en plan avec son pullover à moitié mis, coincé sur la tête, se baver dessus lors de la représentation d’un spectacle. Bref, tout ce qui vient signifier déliquescence et délitement est bienvenu, et laisse le spectateur dans une situation très inconfortable, forcé d’assister à ce spectacle des plus abjects.


Le cinéma est l’art de montrer, et filmer suppose des choix. Ces choix passent par le scénario, par les scènes qu’on décide de filmer et celles qu’on intègre au montage. Cela suppose donc une éthique. Le véritable problème de ces films, c’est d’intrumentaliser le handicap de ces personnes, d’en faire des objets pathétiques. Le message est souvent clair : c’est bien dommage qu’il soit malade, car il est brillant. C’est vrai après tout, les gens qui ne révolutionnent pas la science, qu’ils soient handicapés ou malades, on s’en moque royalement. Et l’on se demande si finalement, pour faire l’objet d’un biopic, il ne faut pas à la fois être un génie et être malade.


Le fond du problème n’est finalement qu’une question d’éthique de la représentation et de la mise en scène du monstre. Nombreux s’y sont cassés les dents (dont Kechiche le dernier - Vénus Noire). Lynch étant le rare à en avoir tiré quelque chose.


Mais tout cela n’a aucune espèce d’importance, puisqu’à la fin d’Une merveilleuse histoire du temps, notre héro n’en fini plus d’être acclamé pour ses recherches, photographié en star lors de congrès scientifiques, et même médaillé, tout comme son acteur d'ailleurs ! Il fallait donc bien tout ça pour en arriver à une telle glorification ; allez, tout est pardonné.


A.A

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le 6 août 2017

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Annita Antourd

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