François Ozon est capable du meilleur (« Le Temps qui reste », « Sous le sable », « Le refuge ») comme du pire (« Ricky », « Angel »). Le pire cette fois-ci est de mise. « Une nouvelle amie » est un film simpliste, très orienté grand public qui ne fait qu’effleurer un sujet sensible, non pas dans la sens « à réprimer », mais au contraire qui requiert une vraie délicatesse et une profonde réflexion, le trans genres. L’intention du réalisateur est louable et sans doute sincère. Il essaie de démontrer combien il est difficile de vivre aujourd’hui encore une telle situation et le parcours complexe pour la personne entre sa perception identitaire et celle de l’autre, le tout à chacun. Si le ressenti de David est assez honnête (Duris fait ce qu’il peut, sans toutefois convaincre, pour nous y faire croire) il en est tout autrement de son environnement. Passons sur la pseudo et sulfureuse relation amoureuse entre David et Claire qui présente peu d’intérêt et alourdit un film déjà bien chargé. Pour cela il faut s’en tenir à ce qu’Ozon dévoile vraiment. Il accumule les poncifs, les préjugés et surtout les incohérences. Tout cela est certes à prendre au second degré, mais à force de tancer les lieux communs, le message s’inverse et délivre une vision erronée et passéiste digne des années 70/80. C’est là où le film s’effondre. Ozon s’appuit sur une nouvelle de Ruth Rendell qui date de 1985. Plutôt que d’actualiser, il choisit une neutralité scénaristique intemporelle (par exemple des costumes dignes de au « Théâtre ce soir » et en même temps des éléments technologiques très XXIè siècle), neutralité voulue également au niveau géographique (décors à l’américaine dans le genre « Desperate housewives » ? Canada ? France ? on peut tout y mettre). Le spectateur se perd un peu et ne voit jamais apparaître une once de crédibilité jusqu’à une fin qui défie les lois de la bienséance, tant elle est ridicule. Le tout est tourné sans émotion comme un mauvais Lelouch, où l’on oscille entre rires gênés et profond malaise. Rater un film cela arrive, ce qui est nettement plus fâcheux et troublant c’est de voir une salle (en avant 1ère) s’esclaffer sur les scènes les plus caricaturales, comme si quelque part Ozon donnait caution à tous les discours rétrogrades entendus ces derniers mois. Tout comme en 2013 avec « Jeune et jolie » Il s’attaque à un sujet qu’il maitrise mal et tente par le cynisme et quelques pirouettes lourdaudes de le masquer (sympa quand même le clin d’œil à « Laurence Anyways » avec la photo de Poupaud en trans). Ozon n’est jamais aussi bon que lorsqu’il filme l’intériorité de ses personnages, avec « Une nouvelle amie » elle est tout simplement oubliée.
Fritz_Langueur
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le 5 nov. 2014

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