Du Crépuscule à l'Aube ...
... ou plutôt de l'Aube au Crépuscule ...


Roberto Rodriguez et Quentin Tarantino allient leurs forces pour livrer un film dont le fil, inspiré sans doute du Psychose d'Hitchcock, tisse un canevas policier extrêmement prenant pour muter à mi-ouvrage en film de monstres fantastique.
Psychose ? Oui ! Des voleurs en cavale, dont le véhicule est un instant inspecté par un policier patibulaire, s'arrêtent dans un bar (après s'être arrêté dans un motel) et se trouvent confrontés à pire qu'eux. Cela ne vous rappelle rien ?
Dans Une Nuit en enfer comme dans Psychose, l'intrigue première et mineure arrive à un point d'achèvement qui amène le spectateur à se demander ce qu'il pourra bien se passer après. Et une surprise horrifique l'attend en réponse.



Des Souris et des Hommes sauce Pulp Fiction ##



(8/10)


L'ennui réside dans le fait que dans Une Nuit en enfer, c'est l'intrigue mineure qui est la plus intéressante.
On dirait une réécriture tarantinesque du célèbre romand de Steinbeck, Des Souris et des Hommes. Georges Clooney et Quentin Tarantino, dans le rôle des deux truands en fuite, tuant et brûlant tout sur leur passage, forment le parfait binôme Georges et Lennie, n'était leurs tailles égales. Clooney joue le petit nerveux qui a pour rôle de faire survivre la fratrie et Tarantino joue le Lennie un peu fou qui porte pour les femmes une passion étouffante qui attire toujours des problèmes.
On suit dès les premières minutes du film, in medias res, leur folle cavalcade à travers le territoire frontalier de l'Amérique et du Mexique, cela dans une ambiance propre aux Tarantino: suspens, gêne, action, hémoglobine garantis et un scénario béton qu'on verrait bien plus développé.
Car à cette folle mortelle randonnée vient s'inviter comme par hasard un ex-pasteur, campé avec mestria par le grand Harvey Keitel, et ses deux enfants, Scott et Kate (Juliette Lewis, qui pour une fois a plus séduit qu'énervé votre serviteur). Une famille dont le père a perdu la foi suite au décès de la mère. Un décès qu'on pourrait bien imaginer, même s'il est narré autrement par l'ex-pasteur, comme le fait passé et oublié des deux frères criminels.
On s'attend donc à ce que cette rencontre fortuite, occasionnant un road movie policier, mette en scène une réflexion sur la vengeance et sur la foi: est-ce Dieu qui a mis sur la voie du saint homme les deux assassins de sa femmes pour le mettre à l'épreuve ? Cette rencontre est-elle totalement fortuite ?
D'autant que bon nombre d'indices mènent à ces attentes: une journaliste insiste sur le palmarès meurtrier des deux frères, sur une femme en particulier, tuée par le passé, et le pasteur dit aller au hasard de ses errances tout en semblant savoir pertinemment où il va.


Une excellente intrigue policière incomplète traitée avec un certain style, une ambiance captivante.
Mais arrivé au Mexique, c'est le drame !



Sot jeu de massacre ##



(5-6/10)


Même Tarantino semble vouloir abandonner comme s'il n'avait en réalité scénariser (voire même réaliser) que la première partie pour confier ensuite les rennes à Roberto Rodriguez.
Et là, on tombe dans le bas, le malsain, le violent pur sans la moindre réflexion, l'usage de codes, poncifs du genre de films de vampires, dont la seule originalité est ... de se dérouler au Mexique.


Et c'est bien tout le problème !
La mort du personnage de Tarantino résonne comme un passage de relai: sans raison aucune, les tenanciers du bar où se sont arrêtés nos voyageurs particuliers se changent tous en zombies dont on apprend par la suite qu'ils sont en fait des vampires. Comme la chose n'est pas évidente, le personnage de Georges Clooney crie à l'envi le mot "vampire" toutes les cinq minutes.
Alors le film devient un huis-clos foufou qui, certes, ne manque pas d'une certaine originalité dans le délire quasi-nanardesque qu'il met en scène mais qui tourne en rond en un jeu de massacre cher à Rodriguez. Le sens du titre original, Du Crépuscule à l'Aube, apparaît: nos héros, enfermés dans ce bar, vont devoir survivre toute une nuit face à des monstres venus de l'Enfer. Le titre français qu'on pensait métaphorique et bien trouvé, se révèle tristement littéral ...
Reste que les survivants ne sont pas nécessairement ceux que l'on attendait et que le changement radical du film ravira les tenants du film qui doit absolument surprendre pour être agréable.
Reste aussi de ce foutoir de deuxième moitié de film, l'image finale révélant


que le bar n'est que la partie immergée de l'iceberg, le promontoire d'un temple inca !


Excellente idée ! Mais cela aurait dû justement inviter, quitte à chuter dans le fantastique, à mettre en scène un personnel plus mexicain ou amérindien comme des Wendigos, des créatures waudou, ou dans la veine du terrifiant Rascar Capac des Sept boules de cristal de Tintin.



Un casting infernal !



Le film bénéficie du moins d'un excellent casting mais d'un casting qui subit les variations ou les choix du film.


Si Quentin Tarantino(Alias) connaît là un de ses rôles les plus longs et les plus réussis, il n'en va pas de même pour Sama Hayek (Bandidas), Dany Trejo (Machete) jeune et méconnaissable ou même Marc Lawrence, double tueur à gage de l'univers bondien (Les Diamants sont éternels et L'Homme au pistolet d'or) cantonné dans un rôle de vieux patron de motel incontinent et au verbe fleuri. Plusieurs noms qui se contentent de quasi-caméos. Dommage !
Harvey Keitel (Pulp Fiction) évolue quant à lui en grande pompe au côté d'un Juliette Lewis (Bluberry: l'expérience secrète) étrangement plus convaincante qu'à l'accoutumée.
Amateurs du Georges Clooney du bon goût et de l'élégance s'abstenir: si Mr Nespresso est loin de son piètre Batman, il l'est tout autant sinon plus de Danny Ocean ! C'est à la fois drôle, étonnant, surprenant, déstabilisant et décevant de le voir jouer les caïds dingos, tatouages de flammes partout sur le corps. Surtout dans la version française où on l'entend doublé par Richard Darbois qui le fait plus ressembler à Buzz l'éclair (sans doute la proximité avec Puymartin-Trantino) qu'à Indiana Jones ! Dans l'intrigue policière, cette dégaine fait illusion mais l'agacement ajoutant à l'agacement, cela se perd dans la deuxième partie du film.


Bilan ?
Un début au Paradis d'un superbe polar inspiré de Steinbeck et Autostop rosso.
Une fin dans l'Enfer d'un huis-clos, orgie de violence, sang et jeu de massacre.
Le massacre d'une intrigue prometteuse au profit d'un jeu de massacre à la mords-moi-bitch que l'on peut trouver jouissif par plaisir coupable.

Frenhofer
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le 4 juil. 2018

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