L'affiche d'Une pluie sans fin est belle, c'est suffisamment rare pour être souligné, et qui plus est très fidèle au ton du film, pas très riant, on l'aura compris. S'il fallait absolument le définir, on pourrait le classer quelque part entre le pessimisme de Jia Zhangke et le romantisme blessé de Wong Kar-wai mais ce serait faire injure à Dong Yue qui impose un univers très personnel dès son premier long-métrage. L'époque où se déroule l'action est importante, en 1997, au moment de la rétrocession de Hong Kong et de la dénationalisation de nombreuses entreprises industrielles, les moins viables disparaissant du jour au lendemain sans se soucier le moins du monde des dégâts humains. Cet aspect social n'est pas qu'un arrière-plan dans Une pluie sans fin et dépasse de loin l'enquête criminelle qui sert de prétexte à montrer le cheminement du héros du film, lequel vit également une histoire d'amour compliquée par l'environnement changeant et les espoirs déçus. Cela fait beaucoup de sujets ? Sans doute et Doong Yue a un peu de mal à équilibrer ses différents versants. Ajouté à cela son souci de ne rien expliquer en détail et de procéder par symbolisme, le film peut paraître peu aimable et légèrement fruste. Il est pourtant passionnant pratiquement de bout en bout par sa mise en scène et son atmosphère de film noir au fort taux d'humidité. Ruissellement et déliquescence, le tableau est assez sinistre mais ne tombe jamais dans les écueils de la démonstration sans nuances. Après Les anges portent du blanc et avant les sorties du troublant Un grand voyage vers la nuit (Bi Gan) et de Les éternels (Jia Zhangke), Une pluie sans fin renforce l'idée que 2018 est bien une grande année pour le cinéma chinois.